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Le rôle de l’historien dans la cellule de crise :

Souvent méconnu, l’historien a un rôle essentiel au sein de la cellule de crise. Il tient le livre de bord, parfois aussi appelé main courante, répertoriant la chronologie des événements, les décisions prises et les tâches associées et affectées à une personne, leur priorisation et leur degré de complétion. Ce document est central en situation de crise : il permet une bonne circulation de l’information, la vérification des éléments entrants (sources et double vérification de l’information), une gestion de projet efficace. Le livre de bord est donc essentiel à la prise de décision rapide et efficace.

Le livre de bord et/ou la main courante sont également des éléments de preuve. En cas de mise en cause de l’entreprise, le juge d’instruction demandera à avoir accès entre autres à ces éléments. Il est donc essentiel de noter les différents points avec discipline et rigueur. A échéance régulière, la fonction juridique doit s’assurer de la bonne tenue de la main courante.

Avec le coordinateur, l’historien aide à la gestion des points fixes. En attirant notamment l’attention du coordinateur sur les « points faibles » qui demeurent, les actions qui n’ont pas encore été menées à bien, les délais de réalisations des documents de travail.

Enfin, après la crise, le livre de bord va permettre de préparer un retour d’expérience, permettant d’identifier les points à améliorer quant à la remontée de l’information et sa prise en compte.

Alors, en cas de crise, n’oubliez pas d’aller de prendre des notes et de tenir informé autant que nécessaire l’historien !

Loïc Monguillon, Corporate Emergency Response General Manager / Risk management chez Air France

EH&A : Quels sont les critères pour ouvrir une cellule de crise dans l’aéronautique ? Quels sont les outils, les moyens à votre disposition pour faire face à ces crises ?

Loïc Monguillon : La crise, ce sont tous les évènements qui ont eu, ou qui pourraient, dans leurs évolutions immédiates, avoir des impacts sur : d’abord la vie humaine (tout événement générant des blessés ou des décès parmi les clients ou les salariés, comme par exemple un accident aéronautique ou un acte terroriste, sur un avion ou dans un aéroport, doit immédiatement être perçu comme une crise majeure), mais on va également trouver comme critère de définition d’une crise dans l’aéronautique tout ce qui peut toucher aux moyens de production (c’est-à-dire ce qui peut empêcher les vols de se faire sereinement et en toute sécurité). De plus et de manière plus transverse, les enjeux réputationnels sont aussi facteurs de crise.

Chez Air France, on retrouve une cellule de crise centrale, c’est-à-dire corporate, qui s’active quel que soit l’évènement, qu’il soit à Paris ou ailleurs dans le monde. Il y a également des organisations de pilotage locales dans les aéroports impactés. Les profils au sein de la cellule de crise sont très variés, le but étant justement d’avoir un panel d’acteurs issus d’expertises différentes afin de mutualiser au mieux l’expérience de chacun. La réglementation et le droit aérien nous imposent des outils, notamment pour l’information aux familles et la coordination avec les autorités d’investigation. Une autre particularité de l’aérien aussi, c’est l’obligation d’assistance émotionnelle aux victimes ou à leurs proches. Cela signifie que l’on doit mettre à disposition des moyens humains pour accompagner ces personnes dans des moments difficiles. Cela implique de la préparation, de la documentation, de la formation et de l’entraînement. La coopération, les partenariats, que ce soit en interne ou en externe avec des autorités, des représentants des différents pays, sont au cœur de la gestion de crise dans ce secteur.

EH&A : L’anticipation de la crise est un critère important, comment anticipez-vous dans un contexte de crise évolutive ?

L. Monguillon : Selon moi, l’anticipation intervient à deux niveaux : avant que la crise ne se déclare et une fois que celle-ci est déclenchée. Tout d’abord, il convient d’essayer d’anticiper la crise avant que celle-ci ne se déclare. Pour ce faire, nous réalisons des analyses trimestrielles de crise, afin de prévoir ce qui pourrait impacter nos performances opérationnelles dans les trois prochains mois. Concrètement, on s’attend à voir dans les prochaines semaines des journées d’exploitation difficiles en raison des mouvements sociaux contre la réforme des retraites ou de phénomènes météo particuliers. Nous avons également une veille géopolitique : on nous fait remonter en interne les évènements qui pourraient remettre en question nos vols vers certaines régions du monde. Nous avons abordé les partenariats dans le secteur : les activations d’une cellule de crise restant heureusement relativement rares, nous avons du temps pour nous préparer et partager nos expériences avec d’autres organisations. Aussi, dès qu’une autre compagnie fait face à une crise, en particulier si nous n’avons pas traversé de crise similaire, nous allons analyser avec attention, les causes, les raisons, les actions mises en œuvre : on part du principe que ce qui est arrivé chez quelqu’un qui nous ressemble, peut aussi nous arriver. Malheureusement, la plupart des crises auxquelles nous avons dû faire face présentaient peu ou pas de signaux forts ou de signaux faibles.

Néanmoins la notion d’anticipation a également tout son sens une fois que la crise est déjà en cours (une grande partie de nos crises était des crises évolutives). A l’instar, d’une cyberattaque, d’une pandémie comme celle qu’on a vécu, d’un volcan islandais qui paralyse le ciel pendant un temps indéterminé, d’un acte terroriste, ce sont des crises évolutives avec des cinétiques différentes : pour un acte terroriste, cela sera une question d’heure ; pour une cyber attaque, une question de jours (voire plus probablement de semaines) ; une crise sanitaire peut durer plusieurs mois. Nous avons donc mis en place une cellule anticipation au sein de la salle de crise. C’est un groupe de 3-4 personnes à qui on va confier la mission d’envisager les scénarii d’évolution possibles de la crise en cours, et d’en préparer alors proactivement des éléments de riposte qu’il faudra déployer s’ils se concrétisent. C’est une fonction dont on s’est inspiré chez des partenaires comme EDF ou l’Armée, et qui nous permet d’avoir un coup d’avance.

Une fois une crise déclenchée, on n’hésite pas à contacter à nos partenaires de confiance, « l’appel à un ami ». Il y a des réseaux structurés comme le CDSE, et dans l’aérien, Air France fait partie de l’alliance Skyteam, qui rassemble 19 compagnies aériennes du monde entier. Par exemple, quand la crise Covid a commencé, nous avions la chance d’avoir des compagnies partenaires en Asie comme Vietnam Airline, China Eastern, China Southern, Garuda Indonesia, qui avaient dû s’organiser face à la crise avant nous. Leur retour d’expérience nous a été particulièrement utile, et nous avons pu à notre tour partager les nôtres avec nos partenaires sur le continent américain, où la pandémie est ensuite arrivée quelques semaines plus tard. Il est essentiel d’établir des partenariats en période de paix.

EH&A : Quelle est la place pour le facteur humain dans la gestion de crise ? Comment gérezvous ce facteur ?

L. Monguillon : La notion de facteur humain en gestion de crise est souvent sous-estimée. L’organisation de crise a souvent une approche très opérationnelle. Les outils de résolution de crise sont conçus par des humains et utilisés par des humains. Ils sont aussi appliqués dans l’urgence, c’est-à-dire dans le stress, parfois le chaos. La notion de facteur humain est ici primordiale et doit être intégrée dans les formations. Pour intégrer des méthodologies de gestion du facteur humain en situation de crise, nous nous sommes tout d’abord inspirés de ce qu’il se passe dans un cockpit. Les pilotes doivent faire face à des situations extraordinaires, au premier sens du terme. Un cockpit est donc une mini salle de crise et nos pilotes ont des compétences en termes de conscience de la situation, de prise de décisions etc…, que l’on peut retranscrire dans une salle de crise. On s’inspire donc de leurs expériences, notamment pour limiter certains biais cognitifs tel que le déni, la stupéfaction, … Typiquement, cela est un grand piège d’une salle de crise. Il faut se préparer à chaque éventualité.

EH&A : Le facteur humain est aussi au cœur de l’obligation d’assistance émotionnelle au sein d’Air France, pouvez-vous nous expliquer sa mise en place ?

L. Monguillon : Tout d’abord, c’est une obligation réglementaire du droit aérien international. Lorsqu’il y a un évènement qui fait des victimes, la compagnie aérienne doit apporter une assistance émotionnelle. Nous n’assistons pas seulement les familles des voyageurs décédés, mais aussi celles des blessés auprès de qui on doit continuer à assurer notre présence. Nous allons maintenir notre présence auprès des victimes dans les années qui suivent. De même pour les familles, certaines sont très fortement touchées, soit parce qu’elles ont appris la perte d’un proche, soit parce qu’elles ont cru un moment perdre leur proche. Deux organisations sont alors possibles selon les compagnies pour réaliser cette assistance : une grande partie ont choisi de le faire en interne. Au sein d’Air France, nous avons fait le choix de proposer à tout salarié de devenir volontaire pour venir porter assistance en cas de crise. Nous leur demandons par exemple les langues qu’ils pratiquent. Le jour où nous aurons besoin d’eux, nous serons dans l’urgence. Il nous faut un outil très structuré pour pouvoir contacter parmi nos 3 000 Volontaires ceux qui sont disponibles et les plus aptes à la mission qui leur sera proposée. La formation est nécessaire dans leur mission d’accompagnement des familles dans des phases de deuil, de traumatisme, de stress. Nous les formons aussi pour se protéger émotionnellement de ce qu’ils vont vivre. Nous avons une responsabilité en tant qu’employeur, nous demandons des choses à des personnes dont ce n’est pas le métier, ils sont volontaires, et subitement ils accompagnent en binôme une famille ou une victime qui a vécu quelque chose de dramatique.

EH&A : Air France a un partenariat avec Delta Airline et KLM, comment cette mutualisation des moyens vous permet d’apporter une réponse plus efficace face à la crise ?

L. Monguillon : Air France et KLM se sont associé dans les années 2003/2004 et Delta les a rejoints peu après dans un projet de mutualisation des plans de réponse en aéroport. Cela fait ainsi une vingtaine d’années que ce principe d’aide mutuelle a été mis en place, et que nous révisons nos procédures ensembles régulièrement.

Je vais donner un exemple virtuel. Prenons l’aéroport JFK de New-York, où les trois compagnies sont présentes. Il y a quelques vols air France et KLM (avec une équipe locale relativement réduite), et beaucoup de vols Delta Airlines (avec des équipes très larges). S’il y a un incident, concernant par exemple KLM au départ ou à l’arrivée de JFK, les équipes de KLM vont être très impactées, très sollicitées opérationnellement et émotionnellement. Elles auront pleins de choses à faire, apporter une assistance aux victimes, elles devront coopérer dans l’urgence avec les autorités, il y aura une très forte pression médiatique etc… Mais les actions qu’elles devront mettre en œuvre sont ni plus ni moins celles que les autres compagnies auraient eu à réaliser si l’accident était arrivé sur un de leur vol. Or, l’équipe de KLM est relativement limitée en nombre à JFK, ils auraient énormément de chose à faire alors que les équipes d’Air France et Delta à côté regarderaient ça de façon impuissante. Une mutualisation des forces est néanmoins envisageable. Il y a quelques années déjà Air France, Delta et KLM ont constaté que nous avions, dans chacun de nos aéroports, des organisations qui se superposaient quasiment parfaitement. Les trois compagnies ont convenu d’un plan local unique dans tous les aéroports où elles opèrent, dans un effort commun et conjoint. Audelà de ce plan, si l’une des compagnies est impactée par un événement majeur, les deux autres viennent en aide.

Le deuxième exemple, que j’aimerais vous partager, est un cas réel : l’attentat à l’aéroport de Bruxelles en 2016. Une des deux bombes a explosé dans la zone d’enregistrement de Delta, qui à ce moment enregistrait deux vols. Malgré la gravité de cet événement, il n’y a pas eu d’impact pour Air France. Immédiatement, s’est posée la question d’activer ou non une cellule de crise en prenant en compte les trois critères d’activation de celle-ci : l’atteinte à la vie humaine, l’atteinte aux moyens de production et l’atteinte à la réputation. Du point de vue d’Air France, la crise en cours ne répondait pas à ces critères. C’était dramatique et horrible, émotionnellement percutant, mais ce n’était pas une crise aux yeux d’Air France. De même pour KLM. Cependant, pour Delta, avec une bombe qui explose dans la zone d’enregistrement, ils ont dû activer leur organisation de réponse à la crise. Ils ont décidé de projeter une partie de leurs équipes vers Bruxelles pour continuer les missions. Il a fallu une journée entière aux équipes de Delta pour arriver à Bruxelles, ce qui reste un exploit dans une situation comme celle-ci. Nous autres, collègues d’Air France et KLM étions à quelques heures à peine en voiture. Aussi, par une triste coïncidence que Bruxelles est à la fois une ville flamande et wallonne donc les deux langues (français et néerlandais) qui étaient nécessaires pour faire une coordination locale. Ainsi, plusieurs personnes d’Air France et de KLM sont arrivées immédiatement. 2h30 après l’évènement, nous avions une armée constituée de personnels d’Air France et de KLM qui était sur place. Dans cette situation, l’union a vraiment fait la force.

EH&A : Est-ce que ce partenariat prend en compte l’assistance émotionnelle dont nous avons discuté ?

L. Monguillon : Bien sûr. C’est aussi un accord que nous avons entre Air France, Delta et KLM parce que cela fait plusieurs années que nous travaillons ensemble et que nous connaissons nos process. Cela s’applique aussi par convention avec les compagnies de l’alliance Skyteam constituée de dix-neuf compagnies. Nous avons un protocole d’engagement à l’assistance mutuelle en fonction de nos ressources disponibles. Cela permet aussi de faire la traduction ou l’interface avec les autorités d’investigation. L’assistance culturelle et linguistique est essentielle pour la traduction, l’accompagnement culturel, puisque le deuil s’exprime de façon différente selon les pays, pour les processus funéraires. Donc, oui, le partenariat sert beaucoup pour l’assistance humaine.

EH&A : Pour finir sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la gestion de crise, est-ce quelque chose qu’Air France a envisagé de mettre en place ?

L. Monguillon : L’IA intervient-elle dans la gestion de crise chez Air France ? Très peu. Il y a eu une digitalisation des outils, mais en même temps nous souhaitons volontairement rester très simples dans notre digitalisation, ne pas tomber dans la « gadgétisation ».  Je serais ravi d’avoir un recueil de crises, qui constituerait une forme de base de données qui permettrait une aide à la décision regroupant d’anciennes situations ou expériences de tous secteurs. Une autre application d’IA qu’Air France n’a pas aujourd’hui, et qui pourrait être utile, serait l’identification immédiate des impacts d’une décision sur le plan juridique, assurantiel ou financier que nous pouvons prendre à chaud. Malgré les expertises que nous avons en salle de crise, nous n’avons pas forcément tous les tenants et aboutissants. Il y a eu des cas à chaud où nous avons pris une décision et nous sommes rendu compte à froid qu’elle avait des impacts juridiques, financiers ou assurantiels que nous avions sous-estimés ou négligés.

EH&A : Et pensez-vous que l’IA pourra complètement remplacer une cellule de crise ou estce que justement le facteur humain reste trop important pour que ce soit un algorithme qui le gère ?

L. Monguillon : J’ai du mal à envisager qu’un ordinateur puisse prendre la gestion complète d’une crise car je n’ai que des crises gérées par une intelligence humaine collective comme recul. J’ai à titre personnel une barrière psychologique pour l’envisager, mais si j’essaye de la franchir, je réalise que cela pourrait être envisageable. Je pense que l’IA est plus là pour gérer des continuités d’activité, pour coordonner des plans de continuité d’activités. On est dans la presque crise ou dans l’anticipation de la réponse à la crise. Mais cela serait peut-être dangereux de se dire que nous disposons d’une IA suffisamment développée pour gérer 100% des crises car l’un des principes d’une crise c’est d’accepter d’être surpris. Une IA se base sur des données et des expériences passées, il lui sera difficile d’anticiper ou de gérer une crise qui n’a jamais été pensée ou vécue. Un outil digital, quel qu’il soit, nécessite de penser à sa défectuosité : il peut tomber en panne, être hacké, mal configuré.

BIO :

IntLoïc Monguillon, Corporate Emergency Response General Manager / Risk management chez Air France

Loïc Monguillon débute sa carrière en tant qu’ingénieur pour différentes sociétés avant d’arriver chez Air France en 2000 en tant que responsable du suivi de l’exploitation. Après un an à Amsterdam chez KLM suite à la fusion avec Air France, il est chargé des projets communs entre les deux compagnies aériennes. De retour chez Air France, il devient manager des opérations. Depuis 8 ans, Loïc Monguillon est Directeur Général de l’intervention d’urgence. Il participe à la gestion des crises impliquant Air France ou ses différents partenaires. De la conception de plans d’actions locaux ou des centres de contrôle d’urgence de l’entreprise, il forme et gère ses équipes en amont, pendant et en aval des crises.

En octobre 2022, Loïc Monguillon co-signe avec Raphael de Vittoris Par delà la résilience et l’antifragilité : l’entreprise au XXIe siècle, qui propose des clés pour redessiner les organisations de façon innovante dans un monde volatil, incertain, complexe et ambigü.

Accès à l’énergie, quels enjeux à venir ? Discussions lors de la REF Théma Energies

Le 4 décembre dernier, étions au MEDEF pour discuter de la gestion énergétique pour cet hiver et ceux à venir.

Constat est fait du manque d’anticipation de la situation où nous nous retrouvons actuellement : menace de coupures de courant pendant l’hiver à cause du manque d’énergie. Pour le patron des patrons, Geoffroy Roux de Beyzieux, la France n’a pas appris en des conséquences du choc de 1974. Il faut être capable de jouer sur plusieurs sources d’énergies, la crise actuelle a commencé bien avant la Guerre en Ukraine et nous payons notre dépendance vis-à-vis de la Russie.

Trouver une solution européenne, ne pas tomber dans le « chacun pour soi » confirme Peter Altmeier, ancien ministre fédéral allemande de l’économie et des énergies, qui souligne le défi de l’entente franco-allemande et le manque de stratégie commune pour le leadership européen.

« Il ne faut pas sous-estimer l’évolution des paradigmes » continue Peter Altmeier : c’était une erreur de sortir du nucléaire affirme ce ministre allemand! On s’en rend compte aujourd’hui de façon évidente mais à l’époque de cette décision, l’accident de Fukushima venait d’arriver et personne ne voulait de cela en Europe, « il n’y avait pas de débat ».

Niklas Záboji, correspondant économique Frankfurter Algemeine Zeitung souligne trois grandes erreurs vis-à-vis de l’énergie : la sortie du nucléaire de façon évidente, à laquelle vient s’ajouter le choix politique de ne pas utiliser de gaz par l’Allemagne et le manque d’un réseau électrique suffisant.

Toutefois, Xavier Piechaczyk, Président de RTE, rappelle les mots d’Emmanuel Macron à Tirana « Halte aux scénarios de la peur ». Selon lui, les coupures ne sont ni certaines, ni une fatalité. L’incertitude tient à la météo tout d’abord, car à moins d’un hiver particulièrement froid, il est possible d’éviter ces coupures. De plus, la France consomme 10% de moins que l’année dernière à la même époque et cela tient à plusieurs facteurs : les grands industriels ont réduit de 15% leurs consommation (fonctionnement moins intensif à cause de la baisse des demandes finales par exemple) et la campagne de sobriété fonctionne sur les ménages et le secteur tertiaire.

Là où la crise est une opportunité c’est qu’elle permet de démontrer que la France est trop dépendante des énergies fossiles, elle oblige la prise de conscience.

Le choix de l’électrique permet non seulement de décarboner mais aussi de regagner en souveraineté.

Pour conclure, Xavier Piechaczyk a insisté sur le fait qu’être plus flexible n’a pas forcément un impact sur la production et la croissance. Il ne faut plus opposer flexibilité et croissance.  

Twitter et les marchés financiers, plus de 10 ans d’influence

Twitter est toujours une source d’instabilité des marchés financiers

Ce n’est une nouveauté pour personne, les réseaux sociaux constituent pour beaucoup une source d’information qui vient s’ajouter aux sources traditionnelles. Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn, Whatsapp, TikTok, Reddit sont tous devenus des sources d’information. Si ces derniers peuvent être l’origine d’un bad buzz, ils représentent aussi des plateformes d’interaction pouvant provoquer une étincelle. Les « Printemps arabes » ont d’abord été un phénomène en ligne, où le désir de changement politique a enflé jusqu’à provoquer des manifestations croissantes et le renversement du pouvoir IRL (In Real Life). Plus récemment, les manifestations en Iran et la guerre en Ukraine bénéficient d’une véritable mise en scène sur les réseaux sociaux et en ligne.

L’influence des réseaux sociaux s’étend bien entendu au secteur financier, depuis 2011 le petit oiseau bleu est incrusté sur les terminaux Bloomberg. Un simple tweet peut faire fluctuer les marchés financiers de façon potentiellement irréversible. De nombreuses entreprises ont malheureusement été victimes du phénomène. Nous vous proposons de faire un point sur le sujet.

L’influence des personnalités publiques : 

Les personnalités publiques ont un grand pouvoir d’influence au sein de leur communauté. Barack Obama, par exemple, est suivi par 130 millions de followers, Elon Musk 107 millions et Donald Trump a gagné 86,4 millions de followers en moins de 24 heures après la réactivation de son compte. Cette influence peut donc aussi toucher les marchés financiers.

La marque JP Morgan a créé un indicateur spécifique pour mesure l’impact des tweets de Donald Trump sur les marchés financiers nommé « Volfefe » en référence au tweet énigmatique de l’ancien président, « covfefe ». Donald Trump a d’ailleurs été à l’origine de multiples variations des cours de bourse.

L’une de ses victimes : Lockheed Martin, industriel de l’armement, a souffert d’une chute de 5% de leur action après un tweet de Donald Trump.

Autre exemple Kylie Jenner a partagé un message sur Twitter concernant Snapchat. La valeur du réseau social a perdu 1,3 milliard de dollars de capitalisation boursière. L’influence a ensuite rappelé son amour pour Snapchat et l’action de l’entreprise est remontée.

L’actuel patron de Twitter lui-même, Elon Musk, est devenu un professionnel de la variation des marchés financiers en raison de ces tweets provocateurs. C’est l’exemple de Etsy qui a ouvert 18% plus haut qu’au moment de la fermeture de Wall Street à cause d’un tweet d’Elon Musk.

En 2021, Elon Musk incitait ses followers à utiliser l’application de messagerie Signal. En quelques minutes le cours de son action avait pris 1000%. Seul problème : la société concernée par la hausse était en réalité Signal Advance, une entreprise du Texas qui a vu sa valeur multipliée par 12 subitement.

Elon Musk a aussi fait du yoyo avec son entreprise automobile, Tesla. En mai 2020, il écrit un tweet où il trouve que le cours de l’action Tesla est trop élevé. L’action plonge de 10,3% à Wall Street et des milliards de capitalisation partent en fumée. Depuis cet évènement, Elon Musk a l’obligation de faire approuver ses tweets par les avocats de son entreprise avant de les publier car ce coup de théâtre a valu à l’entreprise une enquête de la Securities and Exchange Commission (SEC).

Nicolas Vanderbiest, Directeur des opérations chez Saper Vedere, agence spécialisée dans l’audit d’audience et les stratégies d’influence, explique que tous les métiers sont représentés sur les réseaux sociaux et cela particulièrement sur Twitter. La bourse et Twitter suivent tous deux un phénomène d’instantanéité. Ainsi, se sont développé des structures qui font le monitoring de Twitter afin de vendre ou racheter des actions en fonction de ce qui parait sur Twitter.

Le rôle des fraudeurs dans la manipulation financière :

Le phénomène de pump-and-dump provoque également de fortes fluctuations sur les marchés financiers à l’aide de la manipulation de l’information à travers Twitter. Cette pratique qui existe depuis des décennies a explosé avec l’apparition des réseaux sociaux. Elle consiste à gonfler artificiellement le prix de l’action d’une entreprise avec de fausses informations. Une fois que le prix est assez haut, les fraudeurs vendent leurs parts et le cours de l’action chute. L’anonymité des réseaux sociaux et la facilité à créer[ML1]  de faux comptes rendent cette pratique largement accessible.

En novembre, Elon Musk avait rendu les certifications sur Twitter payantes pour un montant de 8$ par mois sans vérification des données. Un usurpateur a pu alors se faire passer pour le premier fabricant d’insuline au monde, Eli Lilly, sur Twitter, et annoncer sa gratuité, provoquant l’effondrement des actions de la firme.

Sans cette modification de certification, cette usurpation n’aurait pas eu autant d’influence car le faux compte n’aurait pas été certifié et donc moins crédible. Grâce à cette nouvelle règle de Twitter, les usurpateurs ont pu se faire passer pour Eli Lilly de façon crédible. La rumeur a donc pris des proportions gigantesques et l’entreprise a perdu 16 milliards de dollars en une journée.

Malgré le démenti publié par l’entreprise, l’action en bourse n’est jamais remontée à l’équilibre. « C’est inédit » dit Nicolas Vanderbiest, dans un scénario de fluctuation des marchés provenant d’informations de Twitter. Il explique que ce tweet a notamment eu pour effet de remettre le sujet d’une législation sur le prix de l’insuline sur la table. Cela explique que le cours de l’action ne soit pas remonté à l’équilibre.

La dernière question épineuse pour Twitter concerne les élections politiques. La plateforme est soumise à des opérations de désinformation par des bots pour influencer les résultats des élections politiques, comme on a pu le voir lors des élections américaines de 2016 (voir notre article sur l’astroturfing). L’enjeu de la certification selon Nicolas Vanderbiest est donc celui de la vérification d’identité : « il faut différencier les vrais utilisateurs des bots ».

L’erreur d’Elon Musk dans cette décision, c’est de ne pas avoir fait valider l’identité pour obtenir la certification à 8$. Si le compte advenait à utiliser un autre nom alors cela aurait dû faire perdre la certification. « Bien qu’Elon Musk ait parfaitement compris les enjeux de Twitter ainsi que ces forces, il n’a rien appris des erreurs d’il y a quelques années sur le processus de validation de l’identité » dit-il. Pour autant, ces erreurs et leurs conséquences ne sont pas de nature à modifier l’appréhension de la plateforme, notamment parce qu’aucune autre plateforme d’échange de ce type (comme Mastodon) n’est à la hauteur aujourd’hui. 

Le mot de l’expert :

« Twitter est un réseau social qui est toujours tourné vers l’avant. La question n’est pas de s’inquiéter de l’image de la réalité montrée par Twitter mais de comprendre comment la plateforme produit son influence. » – Nicolas Vanderbiest

Nicolas Vanderbiest est directeur des opérations chez Saper Vedere, agence spécialisée dans l’audit d’audience et les stratégies d’influences.  

Le coordinateur de crise

It’s a bird ? It’s a plane ? No, its… le coordinateur de crise !

Multitâche, il briefe les nouveaux arrivants de la cellule de crise, s’assure de la tenue des points fixes et vérifie la bonne coordination de l’équipe de gestion de crise. Surtout il a avalé le plan de crise et s’assure de la mise en œuvre de la méthode.

Trop méconnu et pourtant absolument nécessaire, le coordinateur est la véritable tour de contrôle de la cellule de crise. En un mot, c’est à lui qu’incombe le bon fonctionnement de la cellule. Son maître mot ? Efficacité et pragmatisme. En l’espèce, il est l’huile qui fait que les engrenages tournent sans encombre.

En première ligne, c’est lui qui arme la cellule de crise. Ses missions s’organisent ensuite en trois volets :

  1. L’application des méthodes : il accueille les nouveaux entrants en cellule de crise, s’assure que les procédures sont bien suivies, rappelle les rôles de chacun, analyse et recoupe l’information initiale ;
  2. La gestion du temps : il organise les délais de réalisation des documents à émettre, tient des points fixes et prévoit la gestion de crise dans le temps (prévoir les rélais par exemple)
  3. La gestion de l’information : il veille au bon alignement de l’information entre les cellules, les sous cellules, les pays, le site et le HQ. Ensuite il s’assure du rebouclage des informations, leur origine, leur véracité

Enfin, dans l’éventualité où le Directeur de crise doit s’absenter, il assure le fonctionnement de la cellule et en particulier le suivi des travaux d’anticipation.

Prévoir un coordinateur de cellule de crise, c’est s’assurer que la cellule de crise avance correctement, dans les temps, et que chacun reste dans le rôle qui lui a été assigné. Autrement dit, c’est se donner les chances de répondre au mieux à une crise et s’en essorer les équipes.

SERGE LOPOUKHINE, EXPERT EN INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE EN QUATRE QUESTIONS

  • Comment êtes-vous arrivé à faire de l’intelligence économique ?

J’en ai pris totalement conscience en 1997 alors que j’avais décidé de partir travailler à Londres pour une startup qui s’appelait Wordlsport.com. Cette société était la première à gérer des droits sportifs liés à internet pour les fédérations internationales de sport en partenariat avec la GAISF. A cette époque, les technologies de streaming étaient en pleine expansion, et nous avions mis en place une politique de veille extrêmement proactive pour détecter toutes les technologies dans le monde qui pouvaient assoir notre position dominante de l’époque. Une fois repérée, nous prenions très rapidement la décision de rentrer en contact avec les propriétaires de ces nouvelles solutions pour négocier avec eux soit un partenariat exclusif soit à un rachat. Ces réunions étaient préparées avec une grande minutie et une connaissance parfaite de nos futurs interlocuteurs et de leur environnement personnel et professionnel. C’était une époque très stimulante rythmée par des voyages à travers le monde, en particulier aux Etats-Unis, en Israël et à Hong-Kong. 

Cette démarche d’intelligence économique est restée le fil rouge de mon parcours professionnel depuis. 

  • Pourquoi pensez-vous que qu’il est important que les entreprises s’arment d’une démarche d’IE ?

C’est une question très importante, on pourrait en parler pendant des heures. Cela permet à l’ensemble des acteurs de l’entreprise de prendre conscience de ses forces, de ses faiblesses, de son environnement et des opportunités. Adopter une approche d’Intelligence Économique dans une entreprise, c’est coordonner des actions de recherche, de traitement et de distribution de l’information utile, en vue de son exploitation pour prendre des décisions stratégiques appuyées par des solutions opérationnelles. 

En interne, cette réflexion permet de prendre conscience des éléments différenciant de son entreprise, de ses forces, de ce qui la constitue et donc comment les préserver. En externe, cette réflexion permet de prendre conscience de son environnement professionnel et son évolution afin de détecter des opportunités et minimiser les risques. 

Cette démarche est malheureusement peu appliquée en France en dehors de certains secteurs exposés. Nous souffrons d’un manque de culture, voire de naïveté en comparaison avec des pays comme les Etats-Unis, Israël, la Russie, la Chine, le Japon, etc. qui maitrisent parfaitement toutes les techniques et qui n’hésitent pas à être offensif (on est plus dans le cadre de l’IE, mais de l’espionnage) en ayant même dans certain cas le soutien des services de renseignement de leurs États. Mais là encore, une démarche d’Intelligence Économique permettrait à nos entreprises de diminuer leur vulnérabilité vis-à-vis de la concurrence étrangère. 

  • Et dans le cadre plus particulier d’une gestion de crise ? Quels risques l’IE permet de prévenir ?

En fait, vous le faites déjà dans votre métier de gestion et de communication de crise. Lorsque vous identifiez et analysez les risques que génère la situation de crise pour votre client, lorsque vous déterminez l’ensemble des scénarios qu’il pourrait subir et que vous anticipez une réponse ou une solution pour l’éviter ou minimiser son impact, ou encore lorsque vous établissez une cartographie des parties prenantes pour faciliter le dialogue pendant la crise.  Toutes ces actions qu’au sein de EH&A vous maitrisez parfaitement font partie d’une démarche d’intelligence économique. 

Ce que je peux apporter en plus aux clients d’EH&A, en fonction des situations et des besoins, c’est tout d’abord d’aller plus loin techniquement dans nos recherches d’informations OSINT (ouvertes et base de données), DEEP (totalité des pages indexées des moteurs de recherche, les sites internet non indexés, les réseaux sociaux etc.) et DARK WEB grâce à des technologies et /ou des experts informatiques de réseau. Plus encore, quand cela est nécessaire, de mener des investigations de terrain, humaine (HUMINT). 

Ensuite, concernant l’aspect sureté de l’intelligence économique, en crise à froid, je peux conseiller ou accompagner nos clients dans leurs besoins d’audit de sûreté pour anticiper une crise, former ou sensibiliser leurs collaborateurs à ces sujets, sécuriser leurs échanges ou leurs réunions (OSE). 

En crise à chaud, je peux conseiller ou accompagner nos clients dans leur protection lors de leurs déplacement et réunion, dans la recherche de preuves sur des support numériques si des investigations forensic sont nécessaires (PC, smartphone, serveur, PABX etc.), et également en cybersécurité, en faisant intervenir l’ensemble des experts dans la plus grande discrétion. 

  • Vous avez donc un rôle de chef d’orchestre ?

C’est exactement ça. Chaque client étant différent, travaillant dans des secteurs différents, composé d’hommes et femmes différents, il faut pouvoir adapter sa réponse à leurs besoins qui seront forcément différents.  Et, même si la méthodologie de recherche d’information est aujourd’hui bien établie, les sources d’information évoluant sans cesse, qu’elles soient électroniques ou humaines, je ne peux jamais garantir à l’avance le succès d’une investigation. Donc, avant d’accepter une demande, je prends le temps de vérifier ma capacité à obtenir une information, par quel moyen, dans quel délai et à quel prix. Pour ce faire il faut toujours avoir plusieurs solutions, plusieurs sources que vous allez pouvoir solliciter et coordonner afin de répondre à la demande du client. Tel un chef d’orchestre.

Conférence du CIAN – Conseil français des investisseurs en Afrique : On y était !

Merci à Étienne GIROS, PIERRE LAPORTE, François Gave et Jérôme Fabre pour leur éclairage sur le projet de la nouvelle directive européenne qui harmonise les nombreuses normes en matière responsabilité Sociale des entreprises des pays de l’UE.

La conférence a été l’occasion de revenir sur les implications concrètes de la directive et les mesures à mettre en place. Le prochain défi ? Sur les marchés internationaux, comme en Afrique, faire évoluer les normes sociales, environnementales et de #gouvernance vers les normes européennes.

Sans cela, le risque est l’exclusion pure et simple du marché africain des entreprises européennes au profit de pays beaucoup plus souples avec la compliance. Mon point de vue est que les pays d’Afrique doivent renforcer leur vigilance, ce n’est pas à l’Europe de dicter la nôtre.

« Greenwashing », une arme à double tranchant

Le saviez-vous s’intéresse aujourd’hui au phénomène décrié du « greenwashing », ou l’écoblanchiment en français.

Le « greenwashing » consiste à promouvoir des arguments écoresponsables pour attirer des clients et donc vendre davantage. Plusieurs ONG critiquent cette pratique car le message ne correspond pas toujours aux actions réalisées par l’entreprise. En effet, une majorité de sociétés communique, entre autres, sur des pratiques plus « vertes » en utilisant le champ lexical associé « green », « écoresponsable », « durable » ou des symboles rappelant l’écologie comme des feuilles, des arbres, la terre. Cependant, dans la réalité, les actions de certaines entreprises ne correspondent pas à leur communication. Elles insistent sur le fait de compenser les émissions de CO2 en plantant des arbres (initiative répandue), mais qui ne change pas la structuration de la production. Les entreprises continuent donc de polluer. 

Quand cette pratique est dénoncée, la réputation de la société est fortement ternie. Plusieurs entreprises en ont déjà fait les frais. 

Le dernier exemple en date est celui de la coupe du monde au Qatar. La communication écoresponsable du pays ne correspond pas avec la réalité : le Qatar est le premier pollueur mondial en termes de CO2 par habitant. Les entreprises Shell et BP, industrielles du pétrole, et la banque StanChart ont également été dénoncés par Greta Thunberg lors de la COP26. L’activiste décrie les pratiques de « greenwashing » de ces sociétés lorsqu’elles promeuvent le crédit carbone, moyen de compenser les émissions de gaz à effet de serre. Coca-Cola a également été taclé par des ONG pour son parrainage de la COP27. D’après une étude, l’entreprise avait été décrite comme l’un des plus grands pollueurs plastique du monde.

Si, « verdir » son entreprise est nécessaire, du fait de la réalité écologique et de la demande des consommateurs, cette transition nécessite une transparence et une réelle stratégie d’entreprise. La facilité du « greenwashing » est un écueil dans lequel les entreprises ne doivent pas tomber. Cette pratique ne sert ni l’environnement, ni la réputation de l’entreprise.

Rencontre insolite : Risques psychosociaux, un facteur de crise encore trop méconnu

Pour la Rencontre insolite du mois, nous avons rencontré notre experte en risques psychosociaux (RPS) et en qualité de vie au travail (QVT) Claire Pardon-Minassian. Membre des Réseaux I3R PACA et ReflexQVT, Claire Pardon nous a éclairé sur les dangers et les conséquences des RPS et de la QVT.

Les risques psychosociaux : un phénomène peu connu

Les risques psychosociaux représentent l’ensemble des risques professionnels qui portent atteinte à la santé psychologique et physique des collaborateurs. Ils apparaissent sous forme de signaux faibles ou forts : hausse de l’absentéisme, forte rotation des employés, augmentations des accidents du travail, des plaintes, démotivation, perte de productivité… 

Il existe plusieurs risques psychosociaux : le stress, l’épuisement professionnel, des violences externes à l’entreprise (fournisseurs, clients, publics), des violences entre collaborateurs, du harcèlement moral et/ou sexuel, ou encore le mal-être et la souffrance au travail. 

Ces risques se manifestent notamment lorsque les conditions du travail sont dégradées. Il peut s’agir d’injonctions contradictoires, un manque de clarté au niveau des objectifs, une inéquation entre les objectifs fixés et les moyens à la disposition des employés, mais aussi, des horaires difficiles, des conflits d’éthiques, de la pénibilité au travail, un manque de latitude décisionnelle, des rapports sociaux dégradés, un sentiment d’insécurité socioéconomique…

En France, ces risques touchent l’ensemble des secteurs d’activités, les entreprises privées comme publiques et sans considération de tailles. Une PME est autant impactée qu’une entreprise du CAC 40.

Même si la crise du Covid-19 a permis à certaines sociétés de mieux prendre conscience de ces risques et qu’on observe une libération de la parole sur certains sujets, la France reste en retard par rapport à d’autres pays européens. D’après une étude de la DARES, la France se positionnerait au 11ème rang sur les 27 concernant les facteurs de RPS. Ces dernières années, on a pu constater une augmentation du taux de stress et du taux d’épuisement au travail (presque 4 salariés sur 10). 

Claire Pardon-Minassian nous rapporte que de plus en plus d’entreprises la sollicite pour répondre à des besoins en lien la prévention des RPS ou l’amélioration de la QVT. Elle nous signale, cependant, que, dans une majorité des cas, son intervention survient une fois les dommages observés, les indicateurs de santé et de fonctionnement dégradés. Les entreprises n’arrivent donc pas à anticiper ces risques.

                      Source : Les risques psychosociaux (RPS) en entreprise, AMELI

Les risques psychosociaux : conséquences et amplificateurs de crises

Les risques liés au travail et aux conditions de travail sont un facteur d’alimentation de crise. Claire Pardon-Minassian prend l’exemple des crises de réputation. Lorsqu’une entreprise est condamnée pour pratique déloyale ou négligence de la qualité produit, les employés sont forcément pris à partie par les médias, l’opinion publique, mais aussi leurs proches. Le poids de la réputation de l’entreprise se fait ressentir au quotidien, on pense notamment aux employés de sociétés comme Lactalis ou Buitoni dont les affaires ont un écho retentissant dans la presse. Comment gérer alors un repas de famille où le sujet principal est les méfaits de son entreprise ? Surtout lorsque que l’entreprise est mise en examen régulièrement. 

Les employés sont alors dans une remise en question de leurs valeurs et de leurs éthiques du fait des agissements de leur entreprise. Le stress et le mal être au travail apparaissent alors, ou sont fortement décuplés lors d’une telle crise. 

Les RPS découlant de projets de réorganisations peuvent aussi être à l’origine d’une crise majeure. L’exemple le plus parlant est celui de France Télécom. La restructuration de l’entreprise au début des années 2000 a été menée de façon drastique. D’anciens employés expliquent que lors de formations, les cadres s’échangeaient des “astuces” pour inciter les salariés à quitter l’entreprise : fixer des objectifs irréalisables, retirer des chaises de bureau, rétrogradation, mise au placard… Les exemples sont multiples. Cette pression faite sur les employés a atteint un paroxysme quand une vague de suicide frappe l’entreprise. Entre 2008 et 2009, 35 salariés se donnent la mort. 

Cette crise est sans doute la plus importante des quinze dernières années en France.

Le télétravail : un remède ou un nouveau facteur de risques psychosociaux ?

La crise du covid-19 a complétement modifié l’organisation du travail. Alors que pour certains le télétravail est une bénédiction, pour d’autres il peut devenir source de conflit. 

Claire Pardon-Minassian met en lumière les nombreux avantages du télétravail. Cette organisation permet aux employés de mieux concilier vie professionnelle et vie privée. Le télétravail a aussi l’avantage de supprimer les temps de trajet. On observe donc une baisse des coûts mais aussi davantage de temps de repos. Avec ce mode de travail, les collaborateurs ont constaté une meilleure productivité/efficacité et une amélioration de leur organisation car il y a moins d’interruptions dans leur journée liées à des sursollicitations des collègues et managers. 

Cependant, notre experte rappelle que le télétravail comporte également de nombreux risques. En effet, il participe à l’isolement social et peut créer des difficultés de coordination et de collaboration au sein des équipes et donc des tensions relationnelles. Certains salariés y trouvent un refuge lorsque que le climat au sein de l’entreprise n’est pas bon. Le télétravail représente aussi un risque d’iniquité entre les employés qui peuvent en bénéficier et ceux qui doivent être sur site. Ses modalités de mise en œuvre doivent donc être bien travaillées en amont par la direction et les partenaires sociaux afin que le télétravail participe à une meilleure qualité de vie au travail et non pas au développement des RPS.

German Wings

En matière de communication de crise, les accidents aériens sont un domaine où les erreurs sont scrutées à la loupe et ne pardonnent pas.

Filiale à bas coûts de l’allemand Lufthansa, la jeune compagnie GermanWings se devait d’être exemplaire en ce domaine, au risque de se faire reprocher une négligence rapidement assimilée à une « sécurité low cost ». En effet, le grand public aura tendance à interpréter la manière dont une entreprise s’exprime dans la première heure qui suit un accident comme indicative de son attitude et de son professionnalisme. Une communication ratée, qui semble manquer d’empathie ou qui donne l’impression que l’on cherche à minimiser la gravité des faits peut laisser une tache durable sur la réputation de l’entreprise.

Quels enseignements peut-on tirer de la communication à chaud des différentes sociétés impliquées ?

Le crash de l’A320 de GermanWings est le premier accident d’avion de la filiale à bas coûts de l’allemand Lufthansa. En revanche, pour Lufthansa, compagnie réputée très sûre, il s’agit du troisième drame – le dernier en date étant un Airbus A320 qui s’était écrasé en Pologne en 1993. La maison mère de GermanWings dispose donc d’une expérience avérée en matière de communication de crise.

Interviewée sur BMFTV, Emmanuelle Hervé, spécialiste de la communication de crise, a commenté : « Lufthansa a mis en place une communication de crise solide et pertinente. On note d’abord la hiérarchisation volontaire du groupe : Lufthansa – marque mère – a pris la parole avant sa filiale, déjouant ainsi toute stratégie de bouc émissaire. On peut saluer la réactivité dont a fait preuve Lufthansa – rendue possible, sans aucun doute, par une préparation des plus sérieuses – tout comme sa capacité à formuler les bon messages, de la meilleure manière possible dans de telles circonstances. »

Ce professionnalisme et cette préparation n’ont cependant pas évité à la compagnie et à sa filiale low-cost de subir les critiques des média, alors que les causes du crash étaient encore inconnues. « GermanWings, Lufthansa dans la tourmente » titre ainsi l’Express/l’Expansion, qui juge l’accident catastrophe pour l’image de la société mais qui n’épargne pas non plus la filiale du transporteur allemand sous le titre « « Crash d’un Airbus A320 en France: la communication maladroite de GermanWings ». L’hebdomadaire reproche à GermanWings de « botter en touche sur les réseaux sociaux », et s’étonne de l’apparent optimisme de son PDG.

A video message from our CEO Carsten Spohr. #indeepsorrow http://t.co/ueQiAUVrnz

— Lufthansa (@lufthansa) 25 Mars 2015

Initialement, la compagnie allemande a posté plusieurs tweets sur son compte, ne confirmant pas le crash et disant que les premières informations seraient données dans l’après-midi à la presse. Une attitude qui a été vivement critiquée sur le réseau social.

… As soon as definite information is available, we shall inform the media immediately … — Germanwings (@germanwings) 24 Mars 2015

Certes, on peut regretter ces maladresses ainsi que l’emploi de certains mots dans le communiqué inital de Germanwings (12h49), qui donne l’impression d’avoir appris le crash par les médias, parlant même de « spéculation », mais les fondamentaux de la communication de crise ont bien été respectés : prudence sur les faits, refus de toute spéculation sur les causes, et surtout priorité à l’expression de l’empathie envers les victimes et leurs familles. On peut facilement imaginer la virulence des critiques si cela n’avait pas été le cas.

La tentation du cliché

Le fait est que les compagnies low cost ont mauvaise réputation : « peu fiables, avec une flotte plus ancienne et un personnel moins bien formé », autant de clichés, selon Stéphane Albernhe, président du cabinet de conseil dans l’aérospatial Archery Consulting, qui s’attache à les démentir un par un dans le Figaro du 25-03-2015.

Que peut donc faire la communication contre le poids de l’émotion et la tentation des clichés ? Une seule chose : se préparer. Seule une préparation méticuleuse permet d’adopter immédiatement la bonne attitude, avec ce qu’il faut de réserve sur le fond et d’empathie sur la forme. Dans un univers médiatique ou les quinze premières minutes peuvent détruire une réputation ou préserver ses chances de reconstruction, la moindre erreur se paie très cher. La proximité, la cohérence, la capacité à parler d’une situation tragique sans donner l’impression que l’on cherche à se protéger soi-même émotionnellement, tout cela ne s’acquiert qu’avec la pratique. Notre expérience en la matière nous enseigne qu’un porte-parole bien entraîné saura trouver les mots justes au moment critique à condition de rester centré sur l’essentiel. En matière de communication de crise, ce n’est pas la stratégie qui est difficile, c’est l’exécution.

E&HA
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