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Rencontre insolite : Risques psychosociaux, un facteur de crise encore trop méconnu

Date 28 octobre 2022
Type Articles

Pour la Rencontre insolite du mois, nous avons rencontré notre experte en risques psychosociaux (RPS) et en qualité de vie au travail (QVT) Claire Pardon-Minassian. Membre des Réseaux I3R PACA et ReflexQVT, Claire Pardon nous a éclairé sur les dangers et les conséquences des RPS et de la QVT.

Les risques psychosociaux : un phénomène peu connu

Les risques psychosociaux représentent l’ensemble des risques professionnels qui portent atteinte à la santé psychologique et physique des collaborateurs. Ils apparaissent sous forme de signaux faibles ou forts : hausse de l’absentéisme, forte rotation des employés, augmentations des accidents du travail, des plaintes, démotivation, perte de productivité… 

Il existe plusieurs risques psychosociaux : le stress, l’épuisement professionnel, des violences externes à l’entreprise (fournisseurs, clients, publics), des violences entre collaborateurs, du harcèlement moral et/ou sexuel, ou encore le mal-être et la souffrance au travail. 

Ces risques se manifestent notamment lorsque les conditions du travail sont dégradées. Il peut s’agir d’injonctions contradictoires, un manque de clarté au niveau des objectifs, une inéquation entre les objectifs fixés et les moyens à la disposition des employés, mais aussi, des horaires difficiles, des conflits d’éthiques, de la pénibilité au travail, un manque de latitude décisionnelle, des rapports sociaux dégradés, un sentiment d’insécurité socioéconomique…

En France, ces risques touchent l’ensemble des secteurs d’activités, les entreprises privées comme publiques et sans considération de tailles. Une PME est autant impactée qu’une entreprise du CAC 40.

Même si la crise du Covid-19 a permis à certaines sociétés de mieux prendre conscience de ces risques et qu’on observe une libération de la parole sur certains sujets, la France reste en retard par rapport à d’autres pays européens. D’après une étude de la DARES, la France se positionnerait au 11ème rang sur les 27 concernant les facteurs de RPS. Ces dernières années, on a pu constater une augmentation du taux de stress et du taux d’épuisement au travail (presque 4 salariés sur 10). 

Claire Pardon-Minassian nous rapporte que de plus en plus d’entreprises la sollicite pour répondre à des besoins en lien la prévention des RPS ou l’amélioration de la QVT. Elle nous signale, cependant, que, dans une majorité des cas, son intervention survient une fois les dommages observés, les indicateurs de santé et de fonctionnement dégradés. Les entreprises n’arrivent donc pas à anticiper ces risques.

                      Source : Les risques psychosociaux (RPS) en entreprise, AMELI

Les risques psychosociaux : conséquences et amplificateurs de crises

Les risques liés au travail et aux conditions de travail sont un facteur d’alimentation de crise. Claire Pardon-Minassian prend l’exemple des crises de réputation. Lorsqu’une entreprise est condamnée pour pratique déloyale ou négligence de la qualité produit, les employés sont forcément pris à partie par les médias, l’opinion publique, mais aussi leurs proches. Le poids de la réputation de l’entreprise se fait ressentir au quotidien, on pense notamment aux employés de sociétés comme Lactalis ou Buitoni dont les affaires ont un écho retentissant dans la presse. Comment gérer alors un repas de famille où le sujet principal est les méfaits de son entreprise ? Surtout lorsque que l’entreprise est mise en examen régulièrement. 

Les employés sont alors dans une remise en question de leurs valeurs et de leurs éthiques du fait des agissements de leur entreprise. Le stress et le mal être au travail apparaissent alors, ou sont fortement décuplés lors d’une telle crise. 

Les RPS découlant de projets de réorganisations peuvent aussi être à l’origine d’une crise majeure. L’exemple le plus parlant est celui de France Télécom. La restructuration de l’entreprise au début des années 2000 a été menée de façon drastique. D’anciens employés expliquent que lors de formations, les cadres s’échangeaient des “astuces” pour inciter les salariés à quitter l’entreprise : fixer des objectifs irréalisables, retirer des chaises de bureau, rétrogradation, mise au placard… Les exemples sont multiples. Cette pression faite sur les employés a atteint un paroxysme quand une vague de suicide frappe l’entreprise. Entre 2008 et 2009, 35 salariés se donnent la mort. 

Cette crise est sans doute la plus importante des quinze dernières années en France.

Le télétravail : un remède ou un nouveau facteur de risques psychosociaux ?

La crise du covid-19 a complétement modifié l’organisation du travail. Alors que pour certains le télétravail est une bénédiction, pour d’autres il peut devenir source de conflit. 

Claire Pardon-Minassian met en lumière les nombreux avantages du télétravail. Cette organisation permet aux employés de mieux concilier vie professionnelle et vie privée. Le télétravail a aussi l’avantage de supprimer les temps de trajet. On observe donc une baisse des coûts mais aussi davantage de temps de repos. Avec ce mode de travail, les collaborateurs ont constaté une meilleure productivité/efficacité et une amélioration de leur organisation car il y a moins d’interruptions dans leur journée liées à des sursollicitations des collègues et managers. 

Cependant, notre experte rappelle que le télétravail comporte également de nombreux risques. En effet, il participe à l’isolement social et peut créer des difficultés de coordination et de collaboration au sein des équipes et donc des tensions relationnelles. Certains salariés y trouvent un refuge lorsque que le climat au sein de l’entreprise n’est pas bon. Le télétravail représente aussi un risque d’iniquité entre les employés qui peuvent en bénéficier et ceux qui doivent être sur site. Ses modalités de mise en œuvre doivent donc être bien travaillées en amont par la direction et les partenaires sociaux afin que le télétravail participe à une meilleure qualité de vie au travail et non pas au développement des RPS.