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SERGE LOPOUKHINE, EXPERT EN INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE EN QUATRE QUESTIONS

Date 15 décembre 2022
Type Articles
  • Comment êtes-vous arrivé à faire de l’intelligence économique ?

J’en ai pris totalement conscience en 1997 alors que j’avais décidé de partir travailler à Londres pour une startup qui s’appelait Wordlsport.com. Cette société était la première à gérer des droits sportifs liés à internet pour les fédérations internationales de sport en partenariat avec la GAISF. A cette époque, les technologies de streaming étaient en pleine expansion, et nous avions mis en place une politique de veille extrêmement proactive pour détecter toutes les technologies dans le monde qui pouvaient assoir notre position dominante de l’époque. Une fois repérée, nous prenions très rapidement la décision de rentrer en contact avec les propriétaires de ces nouvelles solutions pour négocier avec eux soit un partenariat exclusif soit à un rachat. Ces réunions étaient préparées avec une grande minutie et une connaissance parfaite de nos futurs interlocuteurs et de leur environnement personnel et professionnel. C’était une époque très stimulante rythmée par des voyages à travers le monde, en particulier aux Etats-Unis, en Israël et à Hong-Kong. 

Cette démarche d’intelligence économique est restée le fil rouge de mon parcours professionnel depuis. 

  • Pourquoi pensez-vous que qu’il est important que les entreprises s’arment d’une démarche d’IE ?

C’est une question très importante, on pourrait en parler pendant des heures. Cela permet à l’ensemble des acteurs de l’entreprise de prendre conscience de ses forces, de ses faiblesses, de son environnement et des opportunités. Adopter une approche d’Intelligence Économique dans une entreprise, c’est coordonner des actions de recherche, de traitement et de distribution de l’information utile, en vue de son exploitation pour prendre des décisions stratégiques appuyées par des solutions opérationnelles. 

En interne, cette réflexion permet de prendre conscience des éléments différenciant de son entreprise, de ses forces, de ce qui la constitue et donc comment les préserver. En externe, cette réflexion permet de prendre conscience de son environnement professionnel et son évolution afin de détecter des opportunités et minimiser les risques. 

Cette démarche est malheureusement peu appliquée en France en dehors de certains secteurs exposés. Nous souffrons d’un manque de culture, voire de naïveté en comparaison avec des pays comme les Etats-Unis, Israël, la Russie, la Chine, le Japon, etc. qui maitrisent parfaitement toutes les techniques et qui n’hésitent pas à être offensif (on est plus dans le cadre de l’IE, mais de l’espionnage) en ayant même dans certain cas le soutien des services de renseignement de leurs États. Mais là encore, une démarche d’Intelligence Économique permettrait à nos entreprises de diminuer leur vulnérabilité vis-à-vis de la concurrence étrangère. 

  • Et dans le cadre plus particulier d’une gestion de crise ? Quels risques l’IE permet de prévenir ?

En fait, vous le faites déjà dans votre métier de gestion et de communication de crise. Lorsque vous identifiez et analysez les risques que génère la situation de crise pour votre client, lorsque vous déterminez l’ensemble des scénarios qu’il pourrait subir et que vous anticipez une réponse ou une solution pour l’éviter ou minimiser son impact, ou encore lorsque vous établissez une cartographie des parties prenantes pour faciliter le dialogue pendant la crise.  Toutes ces actions qu’au sein de EH&A vous maitrisez parfaitement font partie d’une démarche d’intelligence économique. 

Ce que je peux apporter en plus aux clients d’EH&A, en fonction des situations et des besoins, c’est tout d’abord d’aller plus loin techniquement dans nos recherches d’informations OSINT (ouvertes et base de données), DEEP (totalité des pages indexées des moteurs de recherche, les sites internet non indexés, les réseaux sociaux etc.) et DARK WEB grâce à des technologies et /ou des experts informatiques de réseau. Plus encore, quand cela est nécessaire, de mener des investigations de terrain, humaine (HUMINT). 

Ensuite, concernant l’aspect sureté de l’intelligence économique, en crise à froid, je peux conseiller ou accompagner nos clients dans leurs besoins d’audit de sûreté pour anticiper une crise, former ou sensibiliser leurs collaborateurs à ces sujets, sécuriser leurs échanges ou leurs réunions (OSE). 

En crise à chaud, je peux conseiller ou accompagner nos clients dans leur protection lors de leurs déplacement et réunion, dans la recherche de preuves sur des support numériques si des investigations forensic sont nécessaires (PC, smartphone, serveur, PABX etc.), et également en cybersécurité, en faisant intervenir l’ensemble des experts dans la plus grande discrétion. 

  • Vous avez donc un rôle de chef d’orchestre ?

C’est exactement ça. Chaque client étant différent, travaillant dans des secteurs différents, composé d’hommes et femmes différents, il faut pouvoir adapter sa réponse à leurs besoins qui seront forcément différents.  Et, même si la méthodologie de recherche d’information est aujourd’hui bien établie, les sources d’information évoluant sans cesse, qu’elles soient électroniques ou humaines, je ne peux jamais garantir à l’avance le succès d’une investigation. Donc, avant d’accepter une demande, je prends le temps de vérifier ma capacité à obtenir une information, par quel moyen, dans quel délai et à quel prix. Pour ce faire il faut toujours avoir plusieurs solutions, plusieurs sources que vous allez pouvoir solliciter et coordonner afin de répondre à la demande du client. Tel un chef d’orchestre.