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Scandales, cyberattaques et défaillances : Les crises qui ont secoué 2024

En 2024, plusieurs entreprises internationales ont été plongées dans des crises d’envergure, mettant leur réputation à rude épreuve et suscitant des réactions publiques intenses. Ces incidents ont non seulement choqué, mais ils ont aussi mis en lumière les défis auxquels les organisations doivent faire face lorsqu’elles sont confrontées à des situations imprévues, où chaque décision compte. Voici quelques exemples marquants :

  1. Boeing : Une crise qui plane sans fin

En début d’année, Boeing a de nouveau fait parler de lui, mais pas pour de bonnes raisons. Le géant de l’aéronautique, déjà fragilisé par les crises du 737 MAX et du 777X, semble pris dans un tourbillon sans fin, de problèmes techniques, médiatiques et financiers.

Le point culminant de cette année de turbulences ? Une scène digne d’un film d’action : la porte d’un Boeing 737 MAX 9 se détache… en plein vol. Miraculeusement, aucun passager n’a été gravement blessé. Cependant, les images spectaculaires, largement partagées sur les réseaux sociaux, ont profondément marqué l’opinion publique. Cet incident a ravivé le débat sur la sécurité aérienne et, pour beaucoup, il s’inscrit comme un nouveau chapitre dans une saga d’erreurs qui aurait dû être évitées.

Des enquêtes approfondies ont révélé des lacunes sidérantes : l’absence de boulons essentiels lors de l’installation de la porte et un voyant d’avertissement ignoré sur plusieurs vols précédents. Ces révélations, combinées aux tragédies passées du 737 MAX, ont alimenté une perception croissante d’un Boeing incapable de garantir la qualité et la sécurité de ses avions.

En interne, la tempête est tout aussi violente. Une grève massive des employés, exigeants des améliorations sur les conditions de travail et la sécurité des appareils, a amplifié la crise. Entre inspections réglementaires, poursuites judiciaires et pertes financières, Boeing semble pris dans une spirale descendante.

Pourtant, ce n’est pas seulement la viabilité financière de l’entreprise qui est en jeu. Ce qui risque de s’effondrer, c’est le lien fragile entre Boeing et un public qui, jusqu’à présent, a fait preuve d’une tolérance remarquable. Malgré les scandales et les tragédies, le consommateur moyen continue de monter à bord de ces avions, faisant preuve d’une confiance presque instinctive envers l’industrie aérienne en général.

Mais combien de fois encore cette confiance peut-elle être mise à l’épreuve ? La répétition des incidents commence à fissurer cette tolérance, donnant l’impression d’une entreprise déconnectée des attentes et des inquiétudes de ses utilisateurs, surtout que les conséquences peuvent être fatale.

  • CrowdStrike : La mise à jour défectueuse qui a disrupté le monde

En juillet 2024, une mise à jour défectueuse de Falcon Sensor, un outil clé fourni par l’entreprise américaine CrowdStrike, a déclenché une panne informatique mondiale d’une ampleur sans précédent. Des aéroports paralysés, des hôpitaux débordés et des banques incapables de traiter les transactions.

Même si CrowdStrike a rapidement publié une correction, le rétablissement complet des systèmes s’est avéré laborieux, laissant des millions d’utilisateurs frustrés. La communication tardive au début de la crise a amplifié les frustrations, mais les excuses publiques et les interventions coordonnées ont permis de calmer la situation.

Cette panne a impacté près de 8,5 millions d’appareils Windows – un pourcentage minime du parc mondial de Microsoft, mais suffisant pour causer des perturbations massives dans des secteurs sensibles comme l’aviation, la santé et la finance. Chaque retard de vol, chaque opération hospitalière reportée ou chaque transaction bancaire bloquée a renforcé l’idée que la cybersécurité n’est pas seulement une affaire technique, mais une question de confiance collective.

Dans un effort pour regagner cette confiance, le PDG de CrowdStrike, George Kurtz, a pris la parole sur LinkedIn, exprimant des excuses publiques : « Nous sommes profondément désolés pour l’impact que cette situation a eu sur nos clients et sur les personnes à travers le monde. » Cette déclaration, accompagnée d’un engagement clair à résoudre les problèmes, a contribué à apaiser les tensions. Microsoft a également joué un rôle clé, mobilisant ses équipes pour offrir un soutien technique et communiquer régulièrement sur les avancées. Ces efforts conjoints ont limité les dommages réputationnels pour les deux entreprises.

Si cette crise a rappelé la fragilité de nos systèmes, elle a aussi montré l’importance d’une communication transparente et proactive pour maintenir la confiance du public. Avec des infrastructures critiques de plus en plus connectées et interdépendantes, la tolérance du public reste un facteur clé. Cependant, elle a ses limites, et les acteurs technologiques comme CrowdStrike savent désormais qu’une gestion rapide des problèmes, soutenue par une communication claire, est essentielle pour limiter les dégâts.

  • Nestlé Waters : Une confiance qui se dilue

Déjà fragilisée par le scandale Buitoni en 2022, Nestlé a vu son image de marque subir un nouvel assaut en cascade cette année. Après les pizzas contaminées, ce sont ses eaux en bouteille – synonyme de pureté et de santé – qui se sont retrouvées au cœur de plusieurs crises successives, mettant une fois de plus à l’épreuve la patience des consommateurs.

Tout a commencé avec la découverte de pratiques illégales de purification dans plusieurs usines de Nestlé Waters. Les marques Perrier et Vittel ont été directement visées, provoquant un premier choc pour une clientèle déjà méfiante. Mais l’affaire ne s’est pas arrêtée là : des analyses ont rapidement révélé la présence de bactéries E. coli et de résidus de pesticides dans certains lots. Ces révélations ont forcé l’entreprise à organiser des rappels massifs, accentuant les parallèles avec le fiasco de Buitoni et renforçant les doutes sur la rigueur des processus de contrôle qualité de Nestlé.

Parallèlement, des militants écologistes ont tiré la sonnette d’alarme sur l’impact environnemental de l’entreprise. L’exploitation des nappes phréatiques locales par Nestlé Waters, souvent jugée excessive, a déclenché des manifestations croissantes, accusant le groupe d’ignorer les besoins des communautés locales.

Ces crises successives ont fait exploser la frustration des consommateurs, et les efforts de Nestlé pour contenir les dégâts se sont révélés insuffisants. Si l’entreprise a tenté d’apaiser les tensions avec des excuses publiques et des mesures correctives, la lenteur de sa communication et un manque de transparence perçu ont nourri une méfiance déjà bien ancrée depuis Buitoni. En effet, ces crises ne sont pas seulement des incidents isolés : elles s’inscrivent dans une série de scandales qui interrogent profondément les pratiques de l’entreprise.

  • Petit Navire : Le thon contaminé, un scandale qui coule la marque

En octobre 2024, les ONG Bloom et Foodwatch ont publié un rapport alarmant révélant que 100 % des boîtes de thon testées étaient contaminées au mercure, certaines dépassant les normes autorisées. Parmi elles, une boîte de la marque Petit Navire présentait une teneur record de 3,9 mg/kg, bien au-delà de la limite européenne de 1 mg/kg pour le thon.

Face à ces révélations, Petit Navire a rapidement réagi en affirmant que ses produits respectaient les normes en vigueur et que la sécurité des consommateurs était leur priorité. Cependant, cette réponse a été perçue comme une tentative de minimiser la gravité de la situation, exacerbant ainsi la crise. Les critiques se sont multipliées, notamment de la part des consommateurs, des ONG et des autorités sanitaires.

Le bad buzz s’est intensifié à mesure que les discussions sur le thon contaminé ont envahi les forums, blogs et réseaux sociaux, amplifiant le scandale bien au-delà des frontières françaises.

La gestion de crise de Petit Navire peut être critiquée pour son manque de transparence et de réactivité. Au lieu de reconnaître immédiatement la gravité du problème et d’engager un dialogue ouvert, l’entreprise a choisi de défendre sa position sans remettre en question ses pratiques. Ce manque de réactivité a alimenté une image négative de la marque et exacerbé la méfiance du public.

Concernant l’impact financier, les données spécifiques sur l’évolution du chiffre d’affaires de Petit Navire après ce scandale ne sont pas disponibles publiquement. Cependant, de telles crises peuvent généralement entraîner une baisse des ventes et une perte de confiance des consommateurs, affectant ainsi les performances financières de l’entreprise.

  • France Travail : Une cyberattaque qui dévoile la fragilité des systèmes publics

Le piratage de France Travail (anciennement Pôle emploi) a été l’une des cyberattaques les plus choquantes l’année 2024, en raison du nombre élevé de victime, de la nature de l’organisme piraté et de la sensibilité des données subtilisées.

En février 2024, un trio de jeunes cybercriminels a attaqué le système informatique de France Travail, compromettant les données personnelles de plus de 43 millions de personnes. Cette attaque a été facilitée par la compromission de comptes de conseillers Cap Emploi, partenaires de France Travail.

Les informations dérobées incluent des noms, adresses, numéros de téléphone, et surtout des numéros de Sécurité sociale des usagers. Ces données sont extrêmement sensibles, car elles peuvent être utilisées pour des usurpations d’identité, des fraudes administratives ou financières, et des campagnes de phishing.

Après la découverte de la violation, France Travail a rapidement informé les victimes via leur espace personnel ou par e-mail, en s’excusant pour les désagréments causés.

Néanmoins, à la suite du vol des données, ces dernières ont été mises en vente sur Breachforums, site spécialisé dans la vente de données en ligne. Bien que les autorités soient intervenues assez rapidement, plusieurs données ont été achetées et ont servi pour des fraudes ou des campagnes de phishing.

Cette crise a renforcé les préoccupations liées à la cybersécurité dans les organismes publics, avec des conséquences durables sur la confiance du public dans la protection de leurs informations personnelles.

Ces 5 crises rappellent l’importance cruciale de la gestion de crise dans un monde en constante évolution et à risques multiples.

Les élections américaines : un catalyseur de crises pour les entreprises européennes

L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2024 pour un nouveau mandat pourrait avoir des répercussions sur les entreprises européennes et entrainer des crises majeures. Entre retour au protectionnisme, tensions internationales et pression sur les chaînes d’approvisionnement, les résultats de cette élection renforcent l’incertitude économique et stratégique pour les acteurs européens.

Une politique protectionniste menaçante pour le commerce européen

Les entreprises européennes, qui exportent massivement vers les États-Unis, seraient directement touchées dans des secteurs clés comme l’aéronautique, les véhicules électriques, et les technologies vertes. L’administration Trump prévoit un retour massif au protectionnisme, notamment par l’augmentation des taxes de 10 % sur toutes les importations (s’ajoutant aux taxes déjà existantes) et jusqu’à 60 % sur les biens chinois. Ces mesures, accompagnées d’une volonté de réduire les accords multilatéraux pour privilégier des relations bilatérales, pourraient engendrer un durcissement d’une guerre commerciale déjà amorcée. Compte tenu de la globalisation des chaînes de valeurs, une politique protectionniste « placerait les Etats-Unis en dehors du cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Un tel choc serait massif pour le système commercial multilatéral, et poserait la question de sa capacité à y résister », Selon Sébastien Jean, professeur d’économie industrielle au CNAM.

Cette escalade protectionniste pourrait provoquer une crise commerciale majeure, perturbant les flux d’exportations et augmentant les coûts liés aux barrières tarifaires. Les petites et moyennes entreprises, qui dépendent souvent des exportations vers les marchés américains, seraient particulièrement vulnérables à ces changements.

Crises sur les chaînes d’approvisionnement globales

L’approfondissement des tensions sino-américaines pourrait entraîner des perturbations massives des chaînes d’approvisionnement pour les entreprises françsaises et européennes. Par exemple, la montée des tensions autour de Taïwan et le durcissement des restrictions sur les produits manufacturés en Chine pourraient paralyser l’accès des entreprises européennes à des composants essentiels, notamment dans les secteurs de la technologie et de l’automobile.

Certes, de nombreuses entreprises européennes ont commencé à diversifier leurs chaînes en se tournant vers des marchés alternatifs comme l’Inde ou le Vietnam. Cependant, ces options ne sont pas sans risques. L’Inde, bien que prometteuse, présente un cadre réglementaire fragile et des tensions géopolitiques avec la Chine. Quant au Vietnam et aux Philippines, leur proximité géographique avec Taïwan les placerait en première ligne en cas de conflit régional.

Ces bouleversements pourraient créer une crise logistique mondiale, avec des délais de livraison rallongés et une hausse des coûts pour les entreprises européennes.

L’Europe face à une crise stratégique dans ses alliances

Sur le plan géopolitique, les entreprises européennes doivent également composer avec un désalignement croissant entre l’Europe et les États-Unis. Sous Trump, l’OTAN pourrait devenir un outil de pression économique, les États-Unis exigeant des membres européens qu’ils augmentent leurs dépenses militaires tout en réduisant leur indépendance stratégique.

Ce repositionnement pourrait engendrer une crise d’alliance : les entreprises européennes opérant dans des secteurs liés à la défense ou aux infrastructures stratégiques risquent de subir les conséquences de cet éloignement transatlantique. De plus, une diminution des financements américains pour l’Ukraine pourrait affaiblir la stabilité économique de l’Europe de l’Est, augmentant ainsi les risques pour les entreprises présentes dans cette région.

La sous-préparation des entreprises : un facteur aggravant

Malgré ces défis imminents, de nombreuses entreprises européennes restent sous-préparées. Une étude réalisée par DGA Group et Dentons montre que 82 % des dirigeants se disent confiants dans leur capacité à gérer les risques géopolitiques, mais seules 36 % ont pris des mesures concrètes pour se préparer aux crises à venir. Cette inaction risque d’amplifier les conséquences des crises commerciales, logistiques et stratégiques.

En résumé, les entreprises européennes pourraient subir une :

1. Crise commerciale : Avec des droits de douane massifs et des politiques protectionnistes, les entreprises exportatrices européennes pourraient subir une contraction de leurs revenus.

2. Crise logistique : Les tensions géopolitiques en Asie risquent de paralyser les chaînes d’approvisionnement, augmentant les coûts et ralentissant la production.

3. Crise stratégique : Le désalignement transatlantique pourrait réduire l’accès des entreprises européennes aux marchés américains et compliquer leurs projets à l’international.

4.Crise financière : Les entreprises mal préparées aux incertitudes pourraient perdre la confiance des investisseurs, entraînant des répercussions sur leur valorisation et leurs capacités d’investissement.

Que peuvent faire les entreprises européennes ?

Pour éviter que ces crises ne se transforment en catastrophe, les entreprises européennes doivent adopter une approche proactive :

  • Diversification : Explorer de nouveaux marchés pour réduire la dépendance aux États-Unis et à la Chine.
  • Renforcement des plans de gestion des risques et révision des plans de continuité d’activité : Intégrer des scénarios géopolitiques dans les plans de continuité d’activité pour anticiper les impacts des tensions internationales et anticiper les scénarios d’évolution défavorable de chaque risque identifié.
  • Veille stratégique renforcée : Suivre de près les politiques américaines et leurs implications pour permettre d’être plus agile.

L’élection de Donald Trump en 2024 est un véritable signal d’alarme pour les entreprises européennes. Alors que les crises commerciales, logistiques et stratégiques se profilent à l’horizon, les entreprises doivent s’adapter à un monde plus imprévisible. Face à l’incertitude devenue la norme, seuls l’anticipation et l’agilité permettront de surmonter les défis à venir.

Bien utilisés, les réseaux sociaux peuvent vous protéger !

De la critique au boycott : Le Pouvoir de la Cancel Culture

Le phénomène de « cancel culture » a récemment envahi internet et en particulier les réseaux sociaux. Ce qui commence par un faux pas ou une critique peut rapidement prendre une ampleur inattendue et créer une véritable tempête médiatique. La diffusion instantanée des mécontentements, amplifiée par des posts et des hashtags viraux, menace directement la réputation d’une marque ou d’une entreprise.

En 2022, la marque Balenciaga lance une campagne publicitaire qui déclenche  rapidement une controverse massive, due à des images d’enfants, entourés de peluches aux connotations SM, ainsi que de documents faisant référence à de la pédopornographie. La polémique suscitée sur les réseaux sociaux par cette campagne, est amplifiée par des milliers de commentaires, vidéos et le hashtag viral #cancelbalenciaga.

Les conséquences sont immédiates : Avalanche de critiques et prises de position publiques, notamment de célébrités comme Kim Kardashian.

De plus, la gestion de crise de Balenciaga aggrave la situation : la marque choisie le silence, tentant de se soustraire à la controverse sans donner sa version des faits, ce qui a permis à la polémique de se propager davantage et de générer encore plus d’attention et de débats en ligne.

Heureusement il existe des exemples qui vont nous montrer qu’une bonne gestion des réseaux sociaux peut vous sauver de la polémique.

L’anticipation : les leçons de Nike

En 2018, Nike a décidé de prendre un risque par anticipation. L’entreprise choisie en effet de soutenir l’athlète controversé Colin Kaepernick. Le sportif en question est connu pour avoir posé un genou à terre pendant l’hymne national lors d’un match de la NFL ; un geste qu’il avait expliqué comme étant une protestation contre les violences policières aux États-Unis.

Cette campagne publicitaire a rapidement ravivé un débat sociétal. Une partie des Américains a appelé au boycott de Nike, choquée par cette prise de position de la part d’une marque de sport. Toutefois la marque avait anticipé cette réaction, et a changé le narratif grâce à son slogan « Croyez en quelque chose, même si cela exige de tout y sacrifier ».

Nike a largement dominé les fils d’actualités sur les réseaux sociaux, aux États-Unis et à l’international. Selon les estimations, cette campagne aurait entraîné plusieurs ruptures de stock et une hausse de 10 % des ventes.

L’art de réagir rapidement : limiter les dégâts en ligne avec KFC

Dans ce cas, la crise n’a pas été anticipée, mais la gestion efficace des réseaux sociaux a permis à KFC de faire volte-face rapidement et d’en tirer avantage.

En 2018 KFC décide de changer de fournisseur de poulet pour son marché anglais. Ce transfert provoque une pénurie de poulet frais dans plus de 600 des 900 restaurants anglais.

Face à cette situation, KFC mobilise son expérience des réseaux sociaux en réagissant vite et avec humour. En effet, la chaine a publié une image de leur fameux bucket, et a remplacé ses initiales par FCK (comprendre « Fuck ») en s’excusant de la rupture.

L’entreprise a également mis en place des cartes indiquant les restaurants ouverts, mise à jour régulièrement.

Enfin, l’entreprise a pris la sage décision de ne pas pointer du doigt son nouveau fournisseur mais d’assumer les problèmes de logistique.

Cette réactivité a offert un coup de communication à l’entreprise, sauvant ainsi sa réputation sur du long terme.

L’importance de la veille apres la crise: l’exemple de T-Mobile

En 2021, T-Mobile est confronté à une cyberattaque majeure qui compromet les données personnelles de millions de clients. Une fois l’attaque sous contrôle, l’entreprise met en place un monitoring actif de ses réseaux sociaux pour répondre rapidement aux questions et préoccupations de chacun de ses utilisateurs.

En suivant de près les réactions et en engageant la conversation, T-Mobile a pu rassurer ses clients sur les nouvelles mesures de sécurité instaurées. Cet effort de suivi constant a permis à l’entreprise de restaurer peu à peu la confiance perdue en faisant en sorte que chaque client se sente entendu.

Ce type de monitoring est un outil fondamental en crise. En surveillant les réseaux sociaux, les entreprises peuvent évaluer l’impact de leurs actions et ajuster leur communication en fonction des retours de leur communauté. Cette vigilance permet également d’anticiper des répercussions potentielles, d’éviter que des tensions ne ressurgissent, et de montrer un engagement continu envers leurs clients.

5 conseils pour mieux maitriser les réseaux sociaux:

Rencontre insolite avec Matthieu Langlois, médecin du RAID pendant le Bataclan

Qui est Matthieu Langlois ?

« Mathieu Langlois, je suis médecin anesthésiste-réanimateur, avec un parcours assez atypique. En effet, ce qui m’a toujours intéressé, ce sont les liens humains dans des situations stressantes. C’est probablement pour cela que j’ai choisi cette spécialité.

J’ai fait beaucoup d’urgences en dehors de l’hôpital, et ce dans toutes les formes de secours qu’on puisse connaître : pompiers, SAMU, secours en montagne… Et en parallèle, je pratiquais toujours beaucoup de sport. J’ai toujours été à la recherche d’outils qui permettent à un collectif d’être performant, c’est-à-dire d’être agile, dans des situations complexes.

Je suis ensuite entré au RAID (L’unité de Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion de la police nationale) où j’ai travaillé pendant près de quinze ans. J’ai été médecin chef pendant huit ou neuf ans, et en particulier durant la période qui s’étend de 2012 à 2020, période où la France a été confrontée à de nombreux attentats.

Après tout ça, j’ai eu l’envie de transposer mon expérience, ce qui m’a conduit à me rapprocher d’un groupe de travail de l’ESSEC, afin de comprendre ce qui, justement dans l’entreprise, était transposable ou non. Quelles étaient les différences majeures entre différents types d’organisation ? Qu’est-ce que la notion de crise voulait réellement dire ? Parce qu’évidemment que la crise au RAID, ce n’est pas la même chose que la crise chez Danone. »

Anticiper sans s’enfermer dans les scénarios :

« L’évènement le plus marquant de mon expérience a clairement été le Bataclan. En tout cas, pour la partie secours, qui était mon rôle. Après 2012 et l’affaire Merah, nous avions anticipé ce que pouvait être un « attentat de masse ». Mais anticiper, ne signifie pas tout prévoir. Par exemple, le soir du Bataclan, dès que le téléphone sonnait, je me disais : « Je ne sais pas ce qui nous attend mais je sais que nous sommes parfaitement prêts. 

 Il ne s’agit pas d’avoir un plan parfait, mais de visualiser des situations possibles, d’imaginer l’imprévisible et de se préparer à l’inconnu. C’est cette agilité qui permet à un collectif d’être performant face à des situations extrêmes.

Et pour moi la bonne confiance c’est ça, c’est-à-dire, oui, on a travaillé, on a fait tout ce qu’on avait à faire pour être prêt, mais, avec aucune certitude. Et surtout pas celle de penser qu’on va dérouler un plan qui va permettre de répondre parfaitement à la situation… mais ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas de plan.

D’ailleurs, au sein d’une entreprise, il faut veiller à bien faire la distinction entre les niveaux d’organisation : stratégique, tactique et opérationnel. Je suis inquiet des opérationnels qui ne jurent que par l’exécution de leurs fiches réflexes et qui s’enferment dans leurs procédures. Les niveaux tactiques et stratégiques ont besoin d’avoir une vision qui repose sur une planification. Pour moi, il y a une réelle différence entre un plan et une planification.

 J’ai, par exemple, eu l’occasion d’observer plusieurs organisations, et les systèmes qui sont réellement agiles sur le plan opérationnel ont une autre exigence. Il leur faut un management adapté avec des garde-fous, parce que sinon, le système court à sa perte. Et cette organisation est hyper importante. Par exemple, pendant la crise COVID, le stratégique (le gouvernement) a expliqué à l’opérationnel (le personnel soignant) comment il fallait soigner, mais à l’inverse, il y avait des médecins qui expliquaient au gouvernement comment il fallait faire des choix économiques etc. Et cette confusion et ce non-respect des trois niveaux de commandement, c’est la meilleure façon d’aller dans la mauvaise direction dans le pilotage de crise. En gestion de crise, il faut avoir les bonnes personnes au bon endroit et que chacun connaisse les bonnes procédures. »

Les qualités d’un manager de crise :

« Ceux qui performent en gestion de crise ont globalement le même profil : ce sont des personnes qui possèdent une réelle capacité d’écoute. Il faut quelqu’un qui comprenne qu’il est là pour une fonction et non pas pour un statut. La force du RAID, c’est chercher des personnes sur du savoir-être, plus que sur du savoir-faire.  Et idem, quand j’étais médecin, je recrutais davantage sur le savoir-être. J’avais évidemment besoin d’avoir des garanties en termes de compétences techniques, mais je n’en avais jamais la preuve totale.

Le problème se pose si toute l’organisation de la gestion de crise repose sur une seule personne. C’est le meilleur moyen d’avoir des ratés, parce que si un jour cette personne n’est pas disponible, c’est toute l’organisation qui prend l’eau. »

Tendre vers un collectif « antifragile » :

« Ce que je raconte quand je parle du Bataclan, c’est le modèle Antifragile de Nassim Nicholas Taleb. C’est-à-dire qu’un bon collectif dans le pilotage de crise, est un collectif qui se transforme.Et cette transformation Antifragile, s’oppose à fragile : lorsque le groupe explose à la moindre contrainte. Mais Antifragile s’oppose aussi à résistant. Et surtout dans des grands groupes, qui se croient solides parce qu’ils ont des cellules de crise prêtes à agir. Sauf que sur les 3 scénarios anticipés, c’est le 4ème qui se produit, et tout le monde panique.

Et donc une organisation Antifragile, c’est celle qui comprend que la situation dépasse ce qu’elle avait anticipé et est capable de se transformer. Et c’est exactement un résumé du Bataclan. En fait les deux choses qu’il faut éviter, c’est : « Je suis sûr de mes forces, il ne peut rien m’arriver », ça c’est faux, et à l’inverse, être dans le déni ou dans la sidération. »

Le leadership, une question d’attitude :

« Pour moi, ce qui compte vraiment, c’est de rester humble et ancré dans le réel, peu importe les responsabilités qu’on peut avoir. Ce n’est pas en se prenant au sérieux qu’on devient un bon leader. Les meilleurs que j’ai rencontrés sont sérieux dans leur travail, et exigeants, mais ne se prennent pas au sérieux. En France, on a cette tendance à valoriser les statuts et à considérer que quelqu’un de haut placé doit tout savoir – que ce soit en management, en technique ou autre. C’est absurde !

À l’inverse, ce que j’admire dans l’approche anglo-saxonne, c’est cette idée qu’un bon leader se mesure à sa capacité à faire progresser son équipe, à former des successeurs encore meilleurs que lui. Un jour, j’étais assis à côté d’un général des forces spéciales américaines. Et au cours de la discussion,il m’avait dit : « Moi, mon seul but dans la vie, c’est d’avoir un jeune qui est plus fort que moi. Ça, pour moi, c’est un vrai signe de réussite. » C’est très révélateur.»

La crise comme opportunité :

«Et c’est là que la gestion de crise est éclairante : elle révèle tout, les forces comme les faiblesses, que ce soit dans le management ou dans les processus. Une crise, ce n’est pas juste un accident à gérer de temps en temps, c’est une opportunité d’optimiser une organisation et de renforcer sa résilience. Le vrai enjeu est d’allier l’ordinaire à la crise puisque la crise n’est plus un phénomène paroxysmique. Il n’y a pas de ruptures entre l’ordinaire et un mode de fonctionnement dégradé. Mais je pense que si on arrive à montrer à l’entreprise qu’il ne faut pas voir la crise comme un accident, mais comme un mode parallèle de vie de l’entreprise qui permet à la fois de gagner, à la fois de valider des acquis, et à la fois de faire changer des choses, là, le retour sur l’investissement, sera bien plus fort !

Mais, tout se joue sur l’humain. C’est l’humain qui crée les problèmes, mais c’est aussi lui qui les résout. Il faut juste arrêter de voir la crise comme une catastrophe à éviter à tout prix et plutôt l’intégrer dans le fonctionnement normal, comme un outil de transformation et d’adaptation. »

Des exercices pour cultiver l’incertitude :

« Les exercices et simulations sont pour moi indispensables dans la préparation à la gestion de crise, mais ils doivent être conçus pour introduire de l’incertitude. Si un entraînement devient une routine, il perd tout son sens. L’objectif d’un exercice, c’est aussi d’accepter de se planter pour mieux apprendre. C’est un cycle : on se prépare en amont, on s’adapte en temps réel, on prend les coups, et ensuite on améliore les process en réintégrant ces apprentissages dans de nouveaux entraînements.

La clé de ce cycle, c’est l’exigence, parce qu’elle nourrit la confiance. Si on est exigeant envers soi-même et envers le collectif, on bâtit cette confiance mutuelle qui est essentielle dans une situation de crise. Mais cette confiance ne se décrète pas, elle se construit dans l’action et dans le respect des rôles de chacun.

Enfin, je crois au leadership authentique, celui qui passe par l’attitude plus que par le statut. À 80 %, c’est du non-verbal : le regard, la posture, les décisions sous pression. Le leader doit inspirer la confiance, pas l’imposer. C’est ça qui responsabilise l’équipe et permet à chacun de se dépasser dans des moments critiques. Et pour moi, déléguer, c’est un acte de confiance. Plus la crise est intense, plus il faut savoir faire confiance à son équipe, car c’est ainsi qu’elle gagne en autonomie et en efficacité. Mais ce n’est pas évident car plus une crise impact personnellement, plus on va avoir envie de la contrôler. »

Les conseils pratiques en gestion de crise :

« J’ai 4 conseils. En fait c’est les quatre domaines sur lesquels j’essaye de travailler au quotidien parce que je sais que quand ça va commencer à bastonner, ça va être les quatre points clés.

1 / Savoir ralentir : c’est le rôle d’un chef, c’est de ne surtout pas appuyer sur l’accélérateur. Et même au sein du RAID, nous on est des gens d’action, mais il est toujours important de ne pas se précipiter et de prendre le temps d’observer. A commencer par les autres membres de la cellule de crise, savoir comment ils vont et s’ils sont prêts à y aller. Dans la majeure partie des cas, les boîtes ne jouent pas une crise à 5 minutes près.

2/ Savoir décider : Ne pas rester figé par ses émotions.

3/ Savoir déléguer : Le stratège a déjà tellement de trucs à penser sur la vision qu’il va donner, sur la stratégie qu’il va imposer, sur la sortie de crise etc. Que plus il va déléguer, plus il va inspirer de la confiance. Et s’il inspire de la confiance, il va gagner en confiance.

4/ Savoir accepter les risques : ne pas en avoir peur.»

Vers la libéralisation des class actions : quels risques pour les entreprises ?

            Destinée à la réparation des préjudices collectifs, la class action a émergé dans les années 1960 aux Etats-Unis et est depuis devenue tradition. Désormais ancrées dans leur système, ces actions visent à protéger l’intérêt collectif : les demandeurs et défendeurs peuvent se mobiliser au cours d’une même instance.

            D’autres pays européens ont adopté ce type de procédure : le Portugal l’a inscrit notamment dans sa constitution (article 52-3), en Italie, l’action de groupe est en vigueur depuis 2010, depuis 2003 en Suède, elle figure dans le code de procédure civile des Pays-Bas depuis 2005, et a été adoptée en Angleterre depuis les années 2000. De fait, les pays se sont très vite approprié ce modèle, même si les États-Unis demeurent les principaux utilisateurs et promoteurs.

            Malgré les réticences, la France a fini par importer ce type d’actions en 2014, en le modelant toutefois à sa façon. Jugées trop libérales, les actions de groupes ont été largement muselées par le système juridique français. Les class actions ont ainsi été instituées par la loi du 17 mars 2014. Tout d’abord limitées au seul domaine de la consommation, elles ont ensuite été élargies aux litiges relatifs aux produits de la santé, aux litiges en matière environnementale, en matière de protection des données, de discrimination subie au travail, etc. Si leur champ d’application paraît avoir été étendu, ce n’est qu’une apparence.

            Le système législatif proposé par la loi de 2014 est en réalité assez restrictif et représentatif du droit strict français, ce qui explique le constat le suivant : le nombre d’actions de groupes intentées depuis 2014 s’élève seulement à 32 dont 20 dans le domaine de la consommation et seules 6 ont un résultat positif. A titre de comparaison avec les Etats-Unis où ce type de procédure est monnaie courante : en 2020, les cours fédérales américaines ont traité plus de 6 300 demandes. Si beaucoup permettent de faire évoluer la jurisprudence et de compenser les dommages causés, le chiffre démontre également des dérives d’un système érigé en business, dont les avocats en tirent les bénéfices en cas de victoire.

            En revanche, la Loi Hamon instaure un champ d’application restreint : les acteurs susceptibles d’agir doivent être une personne physique, être constitué en groupe, et le groupe ne peut agir qu’au travers d’une association agréée (environ 14 associations ont actuellement cette capacité). Par ailleurs, la procédure est très coûteuse : il faut compter environ 50.000 euros). Un vrai filtrage a été instauré par le législateur pour éviter des mobilisations abusives. La première class action intentée par UFC pour assigner Foncia en 2014 a été par exemple jugée irrecevable en 2018. La justice a estimé qu’elle ne s’inscrivait pas dans le champ d’application du code de la consommation.

Toutefois, la récente proposition de loi du 8 mars portée par un député LR et un député LREM, risque de faire évoluer les class actions vers un modèle plus libéral. La loi se veut plus souple et vise à rendre les class actions plus accessibles.

La mobilisation est élargie à un certain nombre d’entités : demain, tous types d’associations et collectivités (à condition qu’elles regroupent un certain nombre de personnes) pourront intenter une class action. Par ailleurs, dans la proposition de loi, en plus des diverses indemnités versées aux victimes, la justice pourra désormais prendre des sanctions civiles, pouvant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires d’une entreprise. Le système proposé se veut également plus uniforme : il souhaite instituer un seul statut pour toutes les actions. A contrario, la loi en vigueur de 2014 qui institue un statut juridique différend pour chaque type d’actions, avec des préjudices qui varient selon les cas.

Pour autant, un avis rendu par le Conseil d’État, émet certaines réserves et traduit une résistance française à évoluer vers le système des class actions américaines. En effet, ces dernières sont par exemple l’objet de médiatisation à grande échelle et de forts jugements moraux, si ce n’est pas l’objet d’un procès avant l’heure.

Si aujourd’hui lancer une action de groupe s’avère compliqué et a très peu de chance d’aboutir, cette proposition de loi est susceptible de donner lieu à une certaine ouverture.

Ainsi, les class actions font l’objet de fortes médiatisations et créent des risques importants en termes de RSE : c’est la réputation des entreprises qui est en jeu. En effet, les associations à l’origine des class actions pratiquent de nombreux media trainings, soigneusement concoctés pour permettre d’émouvoir l’opinion publique. Pour les professionnels concernés, les conséquences sont directes et aucune présomption d’innocence n’est établie, comme ce fut le cas dans de nombreuses affaires. Les médias et réseaux sociaux se font juges de toute accusation, avant toute décision de justice, voire de l’engagement réel d’une procédure. Une publicité à bas coût pour les associations, qui menace directement les entreprises. Le législateur s’interroge alors sur le bien-fondé de ce type d’actions si elles venaient à être plus élargies.

Par ailleurs, le développement durable est de nos jours un sujet sociétal important sur lequel les clients s’appuient et qui motivent leurs choix de consommation. En revanche, ce type de procédures peut mener à une multiplication des accusations de Greenwashing. La promesse aux consommateurs du respect du développement durable et de l’implication dans la transition écologique doit être réellement respectée. De nombreuses actions sont considérées comme frauduleuses. Ce fut par exemple le cas du faux écolabel de la campagne Intermarché de 2011, qui mettait en avant un label « pêche » certifiant d’un « certain engagement écologique ». Or, le graphisme de ce label jouait sur une ressemblance avec le label indépendant MSC, qui a valu au Groupe d’être interdit de reconduire sa campagne publicitaire.

En définitive, l’image et la réputation des entreprises peuvent se retrouver rapidement entachées par le biais des class actions, qui s’appuient sur une forte médiatisation. 

Distanciel et présentiel : comment gérer une cellule de crise hybride ?

Quatre ans après la crise du Covid, le retour à « la normale » semble de moins en moins pertinent dans le monde du travail. Inutile de rappeler que la crise sanitaire et l’adoption massive du télétravail ont radicalement transformé l’univers professionnel, le télétravail est désormais presque devenu une norme structurelle au sein des entreprises. (On peut constater que le virtuel était déjà bien présent, par exemple, avec des problématiques locales ou des membres du COMEX situés à des kilomètres les uns des autres.) Toutefois, les crises n’ont pas disparu ; au contraire, elles semblent s’être multipliées, ajoutant de nouvelles difficultés pour les entreprises. Une crise, par nature imprévisible, peut survenir à tout moment, que les membres de la cellule de crise se trouvent dans les locaux de l’entreprise ou à des milliers de kilomètres. Face à cette nouvelle forme d’organisation (qui n’est plus si nouvelle), il est essentiel de bien prendre en compte les différentes problématiques et de réfléchir à la manière dont l’entreprise, et plus particulièrement la cellule de crise, doit y faire face tout en répondant à ses objectifs initiaux.

Plusieurs questions se posent : comment s’assurer d’être disponible en permanence ? Comment prendre les bonnes décisions avec l’ensemble de la cellule de crise, contacter les bonnes personnes et s’adapter en cas d’absence de certains membres ? De plus, pour les structures présentes à l’international ou simplement celles disposant d’une équipe multiculturelle, une difficulté supplémentaire vient s’ajouter à la gestion de la cellule de crise.

Il est donc pertinent de réfléchir à diverses pistes et mesures à mettre en place afin d’optimiser la gestion de crise dans une cellule hybride

1. Identifier les potentielles difficultés

Il est essentiel de prendre en compte toutes les difficultés inhérentes à la gestion de crise avec une équipe hybride, c’est-à-dire composée de membres en présentiel et en distanciel. Lors d’une crise, la rapidité de communication avec les membres de l’équipe est cruciale, à tout moment. Une équipe à distance rend cette communication plus complexe. Il est donc nécessaire de prévoir le temps de connexion de chacun, de s’assurer que chaque personne dispose des bons outils de communication, et de vérifier la qualité du réseau et du débit internet, qui peuvent rapidement compliquer les échanges.

Un autre point essentiel, lié à la communication, est de s’assurer que toutes les personnes disposent des outils nécessaires à la gestion de crise. Cela inclut évidemment les logiciels et outils informatiques, mais également l’environnement de travail global.

Le distanciel et le présentiel présentent chacun des avantages et des inconvénients, qui peuvent se retourner contre la cellule de crise. Si le présentiel permet un soutien psychologique direct et facilite la coordination, il peut aussi engendrer des effets de groupe, une forme de bunkérisation, ou encore nuire à la concentration des participants. À l’inverse, le distanciel peut pallier certains de ces problèmes, mais il peut également rendre la coordination plus difficile, compliquer la gestion du stress, entraver le partage d’une vision commune, et poser des défis pour établir un réseau de communication et de commandement efficace.

2. S’assurer des bons réflexes : optimiser la gestion de crise virtuelle et présentiel

Lorsqu’on a pris en compte au maximum les difficultés et obstacles que la cellule de crise peut rencontrer (en tenant compte ici des événements extérieurs à la crise elle-même), il est important de se rappeler qu’il est impossible de tout prévoir. C’est pourquoi il est crucial de maintenir de bons réflexes. Tout d’abord, il s’agit de respecter les principes fondamentaux de la gestion de crise ainsi que les règles et réflexes établis par l’entreprise. Il faut activer la cellule de crise dès les premières mesures prises par l’entreprise. Il est également important d’alléger, voire de reporter si possible, l’agenda de toutes les personnes concernées. Le fait que certaines personnes soient en distanciel ne leur procure pas nécessairement plus de temps ; parfois, c’est même l’inverse.

Il est essentiel de rassembler tous les documents nécessaires à la gestion de crise, tels que la cartographie des risques et l’analyse des évolutions défavorables qui y sont liées. Il faut également prendre en compte toutes les parties prenantes, en accordant une attention particulière au dialogue et à la communication interne. Ce réflexe est crucial pour éviter que d’autres complications, telles qu’un climat social dégradé ou des problèmes parallèles, ne viennent s’ajouter aux facteurs de crise déjà identifiés.

Enfin, un autre réflexe primordial dans une cellule de crise, et particulièrement au sein d’une équipe hybride, est la gestion des points fixes. En effet, ces points fixes sont des éléments essentiels pour le management d’une cellule de crise, car ils permettent de tenir informés tous les membres de la cellule. Cela est d’autant plus important que les collaborateurs ne sont pas toujours physiquement présents ensemble, sans compter l’équipe à distance, et que chacun doit accomplir ses tâches. Ces moments doivent être des instants privilégiés, où les membres de l’équipe prennent le temps de s’informer sur la situation et sur les dernières évolutions. Ils permettent donc de favoriser une gestion fluide et efficace de la crise. Lors de ces réunions, il est essentiel de centraliser les informations, de transmettre les décisions et de coordonner les actions. C’est donc un réflexe clé, qui doit être régulier, afin de ne pas se laisser déborder rapidement au sein de la cellule de crise hybride.

Négliger ces réflexes pourrait transformer ces éléments en nouvelles menaces pour l’entreprise, sur les plans organisationnel, juridique, financier et réputationnel. Ils pourraient également aggraver la crise en cours, compliquant ainsi sa résolution.

3. Un leadership hybride pour une cellule hybride

Respecter les principes de la cellule de crise est primordial, mais il faut le faire de manière intelligente. Dans une situation de crise, et surtout lorsque la cellule est hybride, il est essentiel d’être flexible et adaptable pour assurer un bon fonctionnement. Une étude publiée dans la revue Gestion, de HEC Montréal (voir ici), montre que le leadership directif n’a ni un impact particulièrement positif ni négatif en situation de crise, en termes de performance et d’adaptabilité. En revanche, un leadership habilitant, c’est-à-dire un style de leadership qui accorde plus de pouvoir, d’autonomie et de responsabilités aux équipes, s’est montré initialement plus efficace en termes d’adaptation et de performance.

Au sein d’une cellule de crise, les recherches montrent qu’il est crucial de trouver un équilibre entre la nécessité de diriger et de structurer le travail, et l’autonomie des équipes et des collaborateurs, afin de maximiser leur implication et leur efficacité, notamment pour ceux travaillant à distance. Cela nécessite une confiance mutuelle entre les membres de la cellule de crise, sans laquelle des rigidités opérationnelles et une pression excessive pourraient s’installer. Inversement, il est important de maintenir une approche directive pour assurer une coordination efficace et éviter que les décisions, qui doivent être prises rapidement, ne soient bloquées.

4. Prévoir les bons outils

Avec tout ce qui a été évoqué précédemment, il est essentiel de s’assurer que les outils nécessaires soient mis en place et disponibles pour tous les membres de la cellule de crise. L’entreprise doit disposer de logiciels et d’outils de communication ainsi que de partage de documents, afin de garantir une efficacité accrue et des échanges rapides, notamment lors des réunions régulières et brèves qui doivent se tenir. Lorsqu’une cellule de crise se réunit, divers outils comme le paperboard ou les cartes heuristiques sont souvent utilisés physiquement. Pour pallier l’absence de ces supports en distanciel, l’entreprise peut recourir à des alternatives numériques équivalentes, qui sont non seulement utiles mais parfois indispensables pour maintenir l’efficacité. Des outils tels que Slack, Mind Mapping ou encore Teams peuvent être intégrés, bien que Teams à lui seul ne suffise pas pour gérer une crise, il permet d’ajouter des logiciels complémentaires et utiles. Également, il ne faut pas oublier l’utilité de Xmind, du tableau de Teams ou encore de toute autre application comme Mural, afin de pouvoir réaliser la cartographie des parties prenantes ou partager entre tous les membres de la cellule. (Pour en savoir plus)

Concernant la gestion du stress, l’entreprise peut mettre en place des circuits de soutien parallèles et confidentiels, avec des confidents. Dans une cellule de crise hybride, cet élément est crucial pour éviter que des collaborateurs ne se retrouvent surmenés ou en grande difficulté.

Un autre facteur à prévoir concerne les équipes multiculturelles. Bien que la barrière de la langue ait été mentionnée, de nouveaux outils peuvent faciliter la communication. Par exemple, il existe désormais des systèmes de traduction instantanée disponibles sur plusieurs plateformes comme Teams ou Zoom, grâce à l’intelligence artificielle. Ces systèmes allègent le travail des équipes, facilitent les échanges et permettent de gagner du temps, en évitant aux collaborateurs de chercher leurs mots dans une langue qui ne leur est pas naturelle ou qu’ils ne maîtrisent pas totalement.

En résumé, la gestion de crise avec une équipe hybride introduit des défis supplémentaires dont on se passerait bien, et il n’existe pas de solution miracle. Chaque crise est unique. On peut essayer d’anticiper au maximum, mais la réalité impose toujours des adaptations. Cependant, certaines clés indispensables, évoquées dans cet article, peuvent aider. La première est de bien comprendre l’environnement de la cellule de crise et ses parties prenantes en analysant toutes les difficultés. Ensuite, il est crucial de maintenir de bons réflexes et d’adopter une stratégie managériale efficace. Il est également essentiel de disposer des bons outils, de communiquer efficacement et de partager les informations. Enfin, s’entraîner régulièrement est une clé pour anticiper et gérer la crise de la manière la plus efficace possible.

Interview de l’Amiral Charles-Henri Garié – Ancien commandant du bataillon des Marins-Pompiers de Marseille

Pouvez-vous vous présenter et présenter votre parcours ?

« Je suis le Vice-Amiral (2S) Charles-Henri Garié, Amiral de la Marine Nationale. J’ai fait 40 ans dans la Marine et 5 ans dans le privé et mon parcours se résume en trois mots : Marin, militaire et officier.

Militaire d’abord, car je suis un Amiral de la Marine Nationale, j’ai servi avec la notion du drapeau français et la défense de notre pays.

Marin, car sur quarante ans de Marine j’ai navigué environ 14 ans, sur des bateaux, de toutes sortes, notamment frégates et Porte-avions Charles de Gaulle.

Et enfin officier car en tant qu’Amiral, j’ai été cadre dirigeant.

En tant que cadre, j’ai occupé plusieurs postes, notamment responsable de tout l’entretien de la flotte à Toulon, à savoir les sous-marins nucléaires, le porte-avions etc. mais aussi à Paris, dans les postes stratégiques autour du Chef d’État-major des armées où j’étais en charge de la construction des armées de demain et de préparer les lois de programmation militaire.
J’ai terminé ma carrière en étant Amiral commandant du bataillon des marins-pompiers de Marseille avant de me consacrer depuis cinq ans à des fonctions de conseils et de gestion de projets dans le privé. »

Merci. Nous allons parler d’abord de votre expérience. Vous avez commandé pendant 5 ans les marins-pompiers de Marseille, quel était le périmètre de votre poste ?

« Le Bataillon de marins-pompiers de Marseille est la plus grande unité de la Marine Nationale, avec un effectif de 2 400 marins-pompiers. Leur mission est d’assurer la sécurité des biens et des personnes de la deuxième ville de France. C’est environ 150 000 interventions par an, de toutes sortes, du blessé sur la voie publique au grand incendie.

Les Marins-Pompiers sont également chargés d’assurer la sécurité de l’aéroport de Marignane (5ème aéroport de France), du grand port de Marseille (plus grand port de France) et de l’usine Airbus, grande usine mondiale d’hélicoptères.

Les Marins-Pompiers sont placés sous les ordres du maire de Marseille : en tant que commandant, vous êtes à la fois chef militaire et chargé de la protection de la ville sous les ordres du Directeur Général des Services de la ville de Marseille. J’étais alors au cœur de l’administration d’une grande ville, ce qui a été passionnant et très formateur. »

Durant cette expérience, j’imagine que vous dû gérer différents types de crise, lesquelles ?

« Les crises sur lesquelles nous intervenons sont de toutes sortes et d’ampleur très différentes. En tant qu’Amiral, vous n’intervenez directement que sur les crises majeures. J’ai notamment contribué à la gestion de la crise des incendies ayant brûlé 3000 hectares de végétation, l’attentat en gare de Saint-Charles, l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne, pour n’en citer que quelques-unes. Ces crises, très différentes les unes des autres et provoquant des drames humains, sont souvent médiatisées et font intervenir de très nombreuses parties prenantes : autorités, riverains, élus…

En tant que commandant du bataillon, vous travaillez avec la préfecture, la région, le département, la ville, avec les autorités nationales, le ministère de l’intérieur, le ministère de la défense.« 

Quelles étaient vos relations avec les élus ? Les entreprises ?

« Les relations avec les élus et les entreprises sont très intéressantes. Presque tout ce qui se construit ou se transforme à Marseille concerne les marins-pompiers, via les commissions de sécurité ou les demandes de permis de construire. Vous pouvez accompagner de grands projets, aider à trouver des solutions pour permettre la réalisation de ces projets en toute sécurité.

Avec les entreprises, un programme de formation et d’entrainement est mis en place, notamment par le biais d’exercices de simulation, dans le domaine de la mobilité urbaine avec la SNCF ou le réseau de bus par exemple, mais aussi avec des entreprises classées SEVESO, comme Arkema.

Il y a tout un travail d’anticipation et de réflexion à conduire sur les plans de protection et d’intervention entre la préfecture et les entreprises. Il est donc important d’établir des relations avec les directeurs d’usines ou de sites en amont des crises réelles, par le biais de ces entraînements. Cela permet de faciliter la gestion de la crise lorsqu’elle se déclare.

Les relations avec les élus sont différentes : vous commandez et coordonnez les opérations de secours sur le plan technique, opérationnel, sous la direction du maire ou du préfet qui dirige les opérations et prend les orientations stratégiques. Ainsi, la décision d’évacuation d’une maison de retraite relève par exemple des autorités tandis que la protection de la maison de retraite relève des pompiers.  

Je suis d’ailleurs en train de travailler sur un projet d’école de formation des élus à la gestion de crise, avec le député de Toulon et le CNAM en région Provence Alpes Côte d’Azur.« 

Ainsi, par votre expérience, vous vous êtes rendu compte que la gestion de crise nécessitait une vraie formation ?

« Totalement ! Prenez l’élu qui auparavant était chef d’entreprise ou instituteur par exemple. Une fois élu, il n’est plus dans la construction d’un programme, il devient responsable de la protection de la vie de ses administrés, ses décisions peuvent avoir un impact important et la transition est parfois compliquée. Prendre conscience de cela et savoir agir en conséquence n’est ni inné ni évident. Il en est de même pour les chefs d’entreprises, qui sont responsables de la protection de leurs salariés. Vous devez parfois faire face à des situations dans lesquelles des personnes meurent, sont grièvement blessées, où des familles sont dévastées.

Le passage de cette vie normale à la gestion de crise peut être très compliqué, et personne ne peut anticiper sa réaction. Il faut donc bien se connaitre et se former.« 

Vous évoquez votre relation avec les entreprises en amont et pendant les crises. Pendant les crises, ces dernières vous voient elles comme un allié ou plutôt comme un censeur, un « inspecteur des travaux finis » ?

« Lors de crise réelle, je n’ai pas un seul souvenir d’une entreprise qui nous aurait pris pour des inspecteurs. Au contraire, les entreprises se mettent au service des pompiers.

L’entreprise dans son fonctionnement normal, dans la construction de son immeuble, de son hangar, de son usine, n’est pas toujours très facile parce qu’elle a des intérêts à défendre, ce qui est bien logique.

En revanche, quand on est en crise majeure, les entreprises coopèrent : nous avons besoin les uns des autres. On ne peut pas intervenir sur un feu dans une gigantesque usine sans l’aide du chef d’entreprise et de ses équipes ; et eux ne peuvent pas traiter et sauver leur entreprise et leur personnel sans nous. Il y a une vraie relation de coopération. Donc, je n’ai jamais vécu de telle situation, au contraire, j’ai souvent vu des chefs d’entreprise venir au PC, se présenter, venir aider et mettre des moyens à disposition.

Ces relations de confiance et cette bonne collaboration se construisent en amont. Dans ce monde de la crise, comme dans beaucoup d’autres, c’est le réseau que vous construisez qui va vous permettre de gérer au mieux.

C’est un des messages sur lequel je souhaite insister : entreprises, ne restez pas dans votre coin ! Vous avez des voisins, la police, les pompiers, la mairie, les administrations, des écoles, des établissements publics. En tant qu’entreprise vous devez prendre contact avec toutes ces parties prenantes, afin qu’elles soient des partenaires de confiance en cas de crise. Quand on connait ses interlocuteurs en temps de paix, la gestion de crise est facilitée.« 

Avez-vous également participé à des exercices de grande ampleur ?

« Bien sûr ! Par exemple, sur le secteur de Marseille, il y a l’entreprise Airbus et l’aéroport de Marignane. Nous avons effectué des exercices de crash aériens, d’attentat dans l’aéroport ou dans les locaux de l’entreprise, des feux industriels. Avec le Stade Vélodrome, des exercices ont lieu également. C’est aussi le cas avec les entreprises, comme Arkema, avec lesquels sont déroulés les Plans Particulier d’Intervention par exemple. 

D’autres exercices avec des risques bactériologiques ou chimiques pouvant engendrer des centaines de victimes ont lieu, parfois pendant 48h et faisant intervenir des figurants. Nous travaillons également sur le risque nucléaire. 

Tous ces exercices sont construits et préparés en amont, avec les autorités, les élus, les entreprises, les fournisseurs de gaz ou d’électricité, la voierie etc. Cette préparation est fondamentale pour être au plus près de la réalité et conduire un exercice pertinent et utile. Plus le scénario est crédible, plus vous êtes prêts en cas de crise réelle.« 

Avez-vous tiré des leçons de ces exercices de grande ampleur ?

« Bien sûr ! Lors des exercices, nous devons faire avec plusieurs grandes difficultés : une direction d’entreprise impliquée mais des échelons intermédiaires peu investis car peu consultés par la direction par exemple, ou encore une méconnaissance voire une ignorance des procédures. Très rapidement, les failles apparaissent : manque d’organisation, défaillance humaine, mauvaise communication interne comme externe, problème de délégation, de confiance.

C’est pour cela qu’il faut faire des exercices : Il est fondamental de bien se connaitre et de comprendre les enjeux d’une crise en amont.« 

Vous avez également travaillé à l’État-Major des Armées pour préparer les armées du futur. Est-ce que vous auriez des conseils à donner aux entreprises concernant l’anticipation de crises ?

« Je vais faire un peu de philosophie du dirigeant. Si je devais conseiller un dirigeant j’utiliserais 3 mots : loin, large et profond.

Loin, car le dirigeant se doit de se projeter, d’anticiper, à court, à moyen et à long terme. Cette projection se fait logiquement et facilement pour développer les activités de l’entreprise. Il doit en être de même pour réfléchir aux risques et aux crises potentielles.

Large, car le dirigeant ne doit pas se focaliser uniquement sur la gestion des affaires courantes et quotidiennes. Le dirigeant doit prendre en compte son environnement, ses voisins, ses partenaires, la société civile, etc. Votre entourage est votre force en tant de crise, il est nécessaire de le connaître.

Enfin, profond vers le haut comme vers le bas.

Vers le haut car le dirigeant appartient à un système et doit connaître les sujets et préoccupations des élus et des autorités, afin que les sujets relatifs à son entreprise deviennent une de ces préoccupations.

Mais également vers le bas car plus le dirigeant monte en responsabilité, plus il s’éloigne des salariés les moins visibles. Or, ce sont la force de l’entreprise et les piliers en temps de crise. Il est fondamental de les connaître et de garder un lien. C’est avec eux et pour eux que vous travaillez.

Ainsi, le dirigeant doit donner un sens, une mission, un objectif, qui doivent guider les équipes afin qu’elles y adhèrent et se mobilisent. »

Dans votre grande expérience, est ce que vous avez vécu des crises qui vous ont marqué plus que d’autres par leurs difficultés ou leurs émotions ?

« Deux crises m’ont particulièrement marqué.

Lors des grands incendies partis de Rognac et qui s’étendaient jusqu’à Marseille, les éléments naturels qui se déchainent vous font prendre conscience de vos responsabilités. Les décisions prises engagent et auront des conséquences lourdes qu’il faudra assumer. Toute la ville de Marseille est dans la fumée de l’incendie, c’est extrêmement impressionnant. Et là, vous vous dites : « Le maire compte sur moi et j’ai la responsabilité de 800 000 habitants ». Ça marque les esprits.

De même, l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne est un souvenir lourd et très marquant. 8 personnes sont décédées. Nous avons passé cinq jours à chercher, à creuser, avec des chiens, à risquer la vie des marins-pompiers pour essayer de sauver des vies. Vous êtes face aux victimes, à leurs familles, à la presse, aux élus… Il y a des tas de gravats, il y a des gens, une course contre la montre et pendant ce temps-là les murs autour s’écroulent.

C’est cinq jours de tunnel incroyable, de richesse humaine mais également de drames. Une image me restera toujours : Nous avions vue sur les décors des appartements des immeubles effondrés. Dans l’un d’eux, deux cartables accrochés dans l’entrée d’un appartement du 3è étage, à 20m du sol, surplombants morts et gravats. Heureusement, les enfants vont bien, mais cela vous rappelle que la vie peut s’arrêter, brutalement, sans préavis… Très impressionnant. »

Donc ce qui marque le plus, ce qui est central, c’est l’humain ?

« Oui, philosophiquement parlant, notre vie de dirigeant c’est une affaire humaine. Vous ne dirigez pas des camions, vous ne dirigez pas des chaines de montage : vous dirigez des humains, avec leurs forces, leurs faiblesses, leurs joies et leurs drames. Et s’il y a bien un endroit où il faut investir c’est sur l’humain : créer l’esprit d’équipage, créer l’esprit d’équipe, donner du sens.« 

Quel est votre plus beau souvenir de ces expériences ?

« De toute ma carrière, mes plus beaux souvenirs sont les nuits que j’ai passé auprès des marins-pompiers, de caserne en caserne, dans les camions incendies ou auprès des secours. Ce sont cinq années de contacts humains aves des Hommes et des Femmes d’un courage fou et d’un dévouement exceptionnel, attentionnés, intervenant avec le même professionnalisme chez des gens en détresse, pauvres comme riches et dans des lieux parfois sordides. Des marins du feu prêts à donner leurs vies pour celles des autres, et de tout faire pour aider.

Les yeux heureux et brillants d’un pompier qui a aidé un bébé à naitre, à sauver une vie du feu ou de la noyade ; les yeux brillants de ce jeune qui a 20 ans, qui vient de sauver son ainé qui en a 50 ou 60 de plus, c’est une joie, c’est un moment extraordinaire.« 

Quel est votre pire souvenir ?

« Toutes ces victimes, victimes de drames effrayants et très divers, victimes de la catastrophe qui survient, mais aussi victime des autres, des marchands de sommeil, des prédateurs, des voleurs, ils subissent tout. Des drames épouvantables, de pauvres gens, de gens perdus. Il y a de tout, il y a des gens qui abusent évidemment, il y a aussi des gens qui sont en détresse, des personnes âgées, des pauvres, des gens dans la rue, des SDF etc.

C’est cette misère humaine et ces drames humains marquants qui permettent de relativiser et de se dire qu’on est privilégié et qu’il faut aider. À la fois, on a de la chance quand on est en bonne santé et avec un toit sur la tête, mais cela permet également de mesurer la relativité des gens et du monde, ce qui nous donne envie de continuer à aider les autres.« 

Auriez-vous des conseils en gestion de crise les plus fondamentaux ?

« J’ai 6 mots-clefs, 6 conseils à donner tout chef d’entreprise, à tout cadre-dirigeant, public ou privé pour la gestion de crise.

1/ Anticipation : trop d’entreprises n’ont pas réfléchi à ce qui pourrait leur arriver !

2/ Entraînement : l’improvisation « tue ».  Personne n’est un surhomme et personne ne peut improviser en crise. La crise se gère correctement quand on l’a préparée, quand on s’est entrainé.

3/ Recul : un dirigeant doit prendre de la hauteur, du recul. En crise, c’est quelque chose de très difficile à faire, mais c’est essentiel. J’ai trop vu de dirigeants, de toute sorte, se perdre dans les détails et rentrer dans une effet tunnel et finalement perdre de vue l’essentiel.

4/ Se connaître : personne ne peut assurer avoir la bonne réaction en cas de crise. Un patron peut tout à fait être sidéré, tétanisé et ne pas être en mesure de prendre des décisions. Connaissez-vous, mettez-vous en situation de stress, travaillez sur vous, parce qu’au moment de la crise, tout votre équipage, tout votre personnel va vous regarder, toute votre entreprise va compter sur vous. Alors, ce n’est pas le moment de flancher.

5/ Equipage : cultivez l’esprit d’équipe. Ce n’est pas au moment de la crise que vous allez créer de la cohésion, c’est avant. Respectez les gens, encouragez-les, faites-les travailler avec vous, félicitez-les, travaillez la relation, connaissez-les sans faire d’inquisition, créez des occasions de cohésion et de détente, créez cet esprit d’équipage. Le jour où la crise survient, le collectif se met en mouvement derrière son capitaine.

6/ Communication : la communication, interne et externe, peut être le parent pauvre de la crise. On peut gérer une crise avec brio et planter son entreprise à cause d’une mauvaise communication. La communication est au service de la gestion de crise.« 

Finalement, il y a beaucoup de similitudes entre votre expérience militaire et le privé ?

« Exactement. Souvent je parle de la solitude du chef. Quand je parle de la solitude du chef à un chef d’établissement scolaire, à un chef d’entreprise, un dirigeant, nous avons des points communs : vous êtes in fine la personne qui prend les décisions, qui engage, et tout le monde ou presque vous regarde.  Vous n’avez pas intérêt à flancher.« 

Dernière question, pensez-vous qu’il est nécessaire pour les entreprises d’être accompagnées ?

« Je pense que c’est même indispensable. Celui qui croit qu’il gère sa crise tout seul, qui va improviser le jour J, commet une faute lourde, souvent à cause de l’orgueil.

Ce n’est pas parce que l’on est a priori intelligent, qu’on sait diriger, qu’on a du bagou et que l’on connait son entreprise et son environnement que l’on va savoir gérer une crise. Donc c’est en se préparant, en s’entrainant et en se faisant aider avec des regards extérieurs, que l’on va comprendre et donc apprendre, y compris sur soi-même. Se faire aider par une entreprise extérieure et s’entrainer, se tester, être poussé parfois dans ses retranchements pour savoir comment on va réagir, c’est extrêmement important. »

Interview de Thierry Yvon – Ancien directeur sûreté du Groupe Carrefour

Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?

« D’abord, ce fut un long parcours (quarante-six ans), puisque je suis un tout jeune retraité. Tout a commencé en 1979 quand je suis entré dans la police. J’y suis resté dix ans, cinq ans en police judiciaire et cinq ans aux Renseignements généraux, le tout à Paris. Puis, j’ai quitté la police, au début des années 90, pour aller dans le privé. Non pas que le métier de policier me déplaisait, mais j’avais besoin d’autre chose. La police est ma première famille, fils de flic, frère de flic, même après mon départ, je suis resté connecté et j’ai toujours eu beaucoup de respect pour tous mes anciens collègues courageux qui font un métier fantastique et ô combien difficile.     

Comme je souhaitais changer d’horizon, le privé m’offrait ainsi plus d’espace. Je voulais construire une carrière au mérite et non pas à l’avancement, travailler dans des environnements et dans des milieux différents et découvrir d’autres cultures, d’autres pays.

Ainsi, en 1991, je suis entré chez Disneyland Paris, en tant que manager sécurité, un peu avant l’ouverture du parc. La première entreprise dans laquelle j’ai travaillé était donc américaine. C’est là que tout a commencé, j’ai découvert des domaines que je ne connaissais pas du tout tels que les budgets, les ressources humaines, le casse-tête des plannings, la diversité des missions… C’est là que j’ai été pris de passion pour le management.

Et depuis, j’ai beaucoup bougé ; entre Disney en 1991 et ma fin de carrière avec Carrefour en 2024, j’ai exercé des fonctions de directeur sécurité dans 10 sociétés et j’ai eu la chance de travailler dans 6 pays différents.

Mon parcours dans la police a grandement crédibilisé mon arrivée dans le domaine de la sécurité dans le privé. C’est un gage de confiance pour des employeurs qui se disent : « C’est un ancien policier, il connaît les règles, on peut compter sur lui en matière d’éthique, de respect des process, etc. ».

Qu’est-ce qui vous a surpris quand vous êtes arrivé dans le privé par rapport à votre métier de policier et à l’inverse, qu’est-ce qui a été transposable de votre métier de policier à votre carrière dans le privé ?

« Rien ne m’a vraiment surpris. L’une des qualités du policier, c’est son adaptabilité à son environnement. Et puis, je ne suis pas resté assez longtemps pour avoir des habitudes. J’avais déjà la bougeotte et j’ai fait plusieurs services. J’ai fait du commissariat de quartier, de la protection rapprochée, du renseignement et donc rentrer dans le privé était une nouvelle expérience comme les autres.

Il a fallu que je m’adapte au changement de cadre : dans la police, on travaille pour le bien de tous alors que dans le privé, on travaille pour le seul intérêt de l’entreprise qui nous emploie. C’était nouveau pour moi, mais ça m’a très rapidement convenu.

Quand on arrive de la police pour faire de la sécurité dans le privé, les prérogatives ne sont plus du tout les mêmes. On fait de la sécurité en tant que citoyen « lambda », on n’a plus les mêmes pouvoirs que nous octroie le droit. Il faut inscrire notre action dans le strict cadre de ce que nous autorise la loi et la déontologie, et ça marche. »

Tout au long de votre carrière, quels ont été les périmètres des postes que vous avez occupés jusqu’au Groupe Carrefour ?

« J’ai eu beaucoup de chance parce que les trois quarts des postes que j’ai occupés étaient des créations de poste. J’ai pu en construire les contours. Mais,  je dirais évidemment que la sécurité et tout ce qu’on y met dedans était mon périmètre.

J’ai eu des postes très étriqués ne couvrant que de la sureté et la gestion des gardes et d’autres beaucoup plus existants avec la sûreté, la sécurité, la conformité, les enquêtes internes, les risques, la gestion de crise, les projets techniques, les relations gouvernementales, la gestion des services annexes (entretien, maintenance), etc. En fait, tout va dépendre de votre appétit managérial et de la confiance de vos pairs.   

Dans la plupart des postes que j’ai occupés, j’ai reporté au CEO ou à un membre du COMEX influent. La ligne de reporting hiérarchique donne du volume à votre poste. Elle vous permet de faire évoluer ce périmètre. Si on est au fin fond d’un organigramme, peu de chance de faire bouger les choses. J’ai, pour la plupart du temps, exercé des fonctions très opérationnelles avec un engagement managérial très fort sur des problématiques d’organisation et d’optimisation pas seulement limitées à la sécurité, mais aussi en élargissant ces périmètres à des fonctions de contrôle et d’organisation.  

Et puis, j’ai occupé aussi d’autres fonctions plus institutionnelles, moins « terrain ».

Dans une fonction institutionnelle, on est le trait d’union entre les opérations et les exécutifs. Les opérations de sécurité sont gérées par les directeurs de chaque pays. C’est un rôle d’animation et de support d’équipes. Dans les opérations en pays ou en BU, on est souvent seul et c’est important d’avoir ,au niveau Corporate, quelqu’un qui peut être en appui, avec qui on peut échanger. C’est un rôle d’accompagnement au changement aussi pour des managers de terrain autour des grands enjeux stratégiques, de transformation et d’optimisation. Il y a aussi un volet de veille, de respect de nos règles de conformité et d’éthique, s’assurant que les opérations sont en ordre et que les bases du métier sont maîtrisées.  

Mon rôle était justement d’identifier toutes ces spécificités réglementaires et de s’assurer que l’on reste dans « les clous ».

Dans notre périmètre, il y a souvent la gestion de crise et, du coup, la coordination de la crise au niveau groupe est beaucoup plus agile et efficace parce que les professionnels se connaissent bien ».

 À propos de la gestion de crise au sein du Groupe Carrefour, au sein de votre dernier poste, le volet gestion de crise est confié au département de la sûreté. Pourquoi cette délégation de compétence ? Quelles étaient à votre avis les compétences que vous et votre équipe aviez, qui pouvait justifier ce choix ?

« En fait, ça n’a pas été toujours le cas : pour répondre à cette question, il faut remonter un peu dans le temps. Pendant la crise du COVID, le Groupe Carrefour a fait preuve d’une formidable réactivité. On a fait collectivement preuve de beaucoup de créativité, de résilience et on s’est mis en marche comme un seul homme. Toutes les équipes Carrefour se sont engagées à fond, sans aucune résistance, ni panique. Toutes les fonctions opérationnelles et supports ont travaillé ensemble pour faire face.

La crise passée, sous l’impulsion du patron de l’Audit Groupe, on a fait réaliser un RETEX par EH&A pour identifier nos points forts et nos axes d’améliorations.

Sans surprise, face à de cette crise, on s’est rendu compte qu’on était capable de mobiliser nos équipes très vite et très bien, qu’on savait travailler ensemble et sous stress, mais que les process organisationnels n’étaient pas clairement figés, ni décrits et que malgré l’agilité de notre mise en place et de nos réactions, il nous manquait un peu de formalisme et de cadre.

Il a donc été décidé d’apporter plus d’attention à la préparation à la crise. Alors, pourquoi cette tâche a été confié à la sécurité ? Je pense que la plupart des crises ont une origine opérationnelle dont les impacts sur les personnes et les biens sont souvent du ressort de la sécurité. Donc on sera les premiers dans beaucoup de cas à intervenir.

Je pense qu’il a des qualités intrinsèques à notre fonction qui appuient ce choix :

  • Tout d’abord, la réactivité. On est un service disponible H24 où que l’on se trouve dans la chaîne de commandement.
  • La deuxième, c’est la stabilité des missions et du management. La sûreté n’est pas un département qu’un groupe transforme toutes les cinq minutes. Il y a une forme de pérennité et de stabilité dans les équipes et le management.
  • La troisième, je dirais que c’est une forme de tranquillité. Face à un événement, on est plutôt calme, pragmatique, on n’est pas dans l’agitation. On a tendance à garder une distance et un recul assez froid vis-à-vis des situations.
  • Enfin, il y a l’efficacité. Face à une crise, on sait s’organiser au niveau du groupe. On sait aussi rédiger des procédures, les partager et on sait les faire respecter.

Ainsi, on nous demande de mettre en place une procédure de gestion de crise, qui est à la fois importante pour le groupe, mais aussi pour tous les pays et les directeurs sécurité demandeurs de cadres, face aux risques de répétitions de crises.

Pour ce faire, j’ai créé un groupe de travail avec mes pairs (directions risque/audit, cyber, et les directeurs sécurité etc.) avec qui j’échange sur un ensemble de procédures/référentiels de gestion de crise. La structure du document a été revue et amendée mille fois. Il y a eu un gros travail de formulation pour que chacun sache de quoi nous parlons.

Avec le département Risques et Audit, on a mis en place le Comité des Risques groupe. Organe de gouvernance sur les risques à qui j’ai présenté une version du document de procédure de gestion de crise. Une fois le tout validé, on a commencé à mettre en place des formations et le déploiement.

Cette procédure n’est pas un exercice qu’on pouvait faire seul, on avait besoin de toute la communauté pouvant être confrontée à une crise pour la construire.

Tout au long de votre parcours, vous avez eu à gérer de nombreuses crises. Quel serait votre meilleur et pire souvenir en crise ?

« Il n’y a pas vraiment de beaux souvenirs en matière de gestion de crise, on a juste des sentiments « d’après » partagés entre la satisfaction de s’en être sorti et la reconnaissance de nos limites. 

La crise covid a été riche en enseignements et en tensions. Typique d’une crise exogène, elle nous a tous pris de court. Elle n’impactait pas que notre entreprise, mais toutes les entreprises. Ce mal, dont on ne savait rien, nous exposait dans notre chair et dans notre humanité, car il pouvait toucher non seulement nos salariés, mais aussi nos amis, nos familles.  

C’était une crise dont on était à la fois acteurs et témoins ; décideurs et suiveurs, tout ça fluctuant sous des injonctions réglementaires parfois contradictoires et farfelues. 

Dans nos métiers, nos équipes, par nature sont à la fois résilientes et pragmatiques. On a su s’adapter et faire face. On a partagé avec tous les pays du groupe, tout ce qui se mettait en place dans un pays donné, pour l’anticiper et le déployer quand ça faisait du sens dans les autres pays. Ça nous a fait gagner du temps partout. L’échange, le partage d’expérience, la coordination et la créativité ont été les clefs du maintien de nos opérations. 

À la fin, on a eu plein de choses à corriger et à mettre à jour évidemment, mais on a tenu bon et ça nous a enrichi. »

Pensez-vous que les récurrentes crises de réputation sur les réseaux sociaux viennent « atténuer » le sentiment d’être en crise lorsque surgit une vraie crise opérationnelle ?

Je dirais qu’aujourd’hui, on est très réactif en crise opérationnelle. Nous ne sommes bien sûr pas à l’abri d’un problème, mais nous avons la capacité de le rectifier rapidement.

Le risque, aujourd’hui, n’est plus trop dans la gestion l’opérationnelle de la crise, parce que même bien géré et circonscrit, un problème pourra toujours trouver écho auprès d’opportunistes influenceurs pour amplifier la crise, à travers les fakes news, la désinformation ou autre. En cela, les réseaux sociaux sont une forme d’amplificateur difficile à contrer.

C’est pour ça que je pense que la communication de crise est extrêmement importante. Au fil des crises, la communication est l’acteur clef de gestion de crise. Parce que c’est une matière fluctuante, difficile à maîtriser. Elle doit être professionnalisée et être polymorphe. Elle doit rester factuelle, compassionnelle, bienveillante et dans l’action.

Quels seraient vos conseils principaux pour une bonne gestion de crise ?

« Tout d’abord, je dirais que, pour un service de sécurité qui fait de la gestion de crise, il faut être prêt à ce que tout puisse arriver. La crise est toujours un défi inattendu, on n’est jamais vraiment prêt à tout. Il faut veiller à l’opérationnalité des systèmes, c’est-à-dire que tout ce qu’on a mis en place ne soit pas uniquement en mode veille, mais qu’il démarre sans raté quand on l’actionnera. Vérifier sur une check-list que si une cellule de crise est mise en place, c’est bien, s’assurer que les membres de la cellule de crise aient été formés et sachent quoi faire, c’est mieux.

Contrairement à ce qu’on pense généralement, c’est grâce à un cadre précis qu’on peut être agile et flexible. La procédure, c’est le cadre dont on a besoin et qui rassure au début, mais les solutions sont parfois hors du cadre. Mais pour sortir du cadre, encore faut-il le connaître.

Les marques en guerres !

En février 2022, débute la guerre entre la Russie et l’Ukraine. La guerre est de retour en Europe et de nombreux acteurs s’expriment sur le sujet. C’est LE sujet qui occupe le terrain médiatique des mois entiers.

Bien sûr, le sujet de la guerre est avant tout un domaine réservé aux États, aux gouvernements. Mais les entreprises ont été également “embarquées”. La pression des opinions publiques et cercles de pensées a contraint ou a voulu contraindre les entreprises à prendre position POUR ou CONTRE la Russie.

Ainsi, des appels au boycott ont été lancés contre les hypermarchés Auchan. L’entreprise Nike avait subi les mêmes pressions lorsque le scandale du traitement infligé aux Ouïghours par la Chine avait explosé.

Récemment, l’escalade de violences observée depuis  le 7 octobre 2023 dans le conflit Israélo-Palestinien a vu fleurir un fort mouvement de blacklisting et de boycott de marques.

Phénomène déjà implanté durablement aux États-Unis, cette relation d’exigence et de responsabilité des marques face à l’opinion publique se retrouve de plus en plus en France.

Pourquoi les marques se retrouvent-elles dans cette situation ?

Comme l’illustre précisément Raphaël Llorca, expert en communication et en science du langage, dans son livre Le Roman National des Marques, les personnalités politiques ont de plus en plus de mal à mobiliser un roman national. Ils sont en perte de vitesse lorsqu’il faut raconter la France ou les Français, ou à mettre en place un système de valeur rassembleur.

Phénomène complexe et multi-causal, leur perte de vitesse laisse un espace vide comblé par divers acteurs, dont les marques et les entreprises privées.

Démonstration également par le Baromètre Edelman de la confiance  2023 : la population française accorde plus de crédits aux entreprises pour lesquelles elle travaille qu’aux élites politiques pour lesquelles elle a pourtant voté. L’étude statistique montre également qu’on attend de l’entreprise une prise de position et un engagement.

Si nous souhaitons comprendre la position subtile que les marques occupent aujourd’hui dans notre société, nous devons analyser la consommation de la population, et la place que nous donnons aux marques au quotidien.

Considérer les marques comme étant seulement un acteur économique serait une erreur.  En 1979, l’économiste Baron Isherwood et l’anthropologue Mary Douglas étudient dans The World of Goods, la consommation de plusieurs classes sociales aux États-Unis. Ils observent rapidement des comportements qui ne sont pas économiquement rationnels.

Selon les auteurs, les biens de consommation portent une symbolique culturelle. La consommation n’est donc plus seulement une transaction économique mais un acte social, culturel, permettant de se positionner, en opposition ou en conformité de certain groupes sociaux, politiques ou religieux.

La multiplication de la concurrence et la mondialisation de l’économie poussent les marques à se différencier sur d’autres terrains. Elles doivent incarner des idées, voire des “combats”, afin de remporter la bataille de l’opinion publique.

Partant de ce principe il est évident que les marques portent un récit, un ensemble de symboles permettant au consommateur de faire son choix en fonction de l’attachement perçu au système de valeur porté par l’entreprise.

Un écart de la marque à ce sens éthique entraine inévitablement un fort sentiment de trahison chez les consommateurs. Pire, faire défaut à cette éthique pour une raison économique, financière, ne fera qu’accentuer cette réaction négative.

Cherchant peut-être une forme de confirmation de l’adéquation entre le système de valeur promu par la marque et les siennes, la population demande de plus en plus aux entreprises de se positionner sur des sujets d’actualité.

Aujourd’hui l’éthique de marque surpasse, pour certains produits, la qualité brute. Une entreprise avec un système de principes moraux fiable est respectée, soutenue et détient un fort potentiel d’attraction de nouveaux talents.

Comment prendre position en temps de guerre ?

Dans cette situation, prendre position est un exercice délicat pour les entreprises, qui peut rapidement mener à une crise de réputation.

Facteur aggravant de cette situation, la polarisation de la société rend chaque prise de position d’autant plus sensible.  Se positionner sur un sujet d’actualité, implique de se mettre à dos l’autre partie de l’opinion publique. Il[EH1]  faut donc parfaitement connaître sa cible, son marché, son positionnement préexistant afin d’anticiper les conséquences de cette prise de position.

Lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, la Russie est apparue aux yeux de l’occident comme l’ennemi et l’Ukraine comme la victime. La réaction attendue des marques par l’opinion publique était d’exprimer le même jugement.

LVMH, Coca-Cola ou Starbucks, par exemple, ont rapidement condamné la Russie et ont décidé de cesser toute activité dans le pays.

Le constructeur automobile Renault quant à lui, a été pointé du doigt par de multiples acteurs pour avoir maintenu son activité en Russie, sans communiquer ni prendre parti.  Le groupe a fini par vendre ses actions locales à l’État Russe, engendrant, en plus d’une importante perte financière, une dégradation de sa réputation.

Autre exemple, le groupe Mulliez (Auchan, Décathlon et Leroy Merlin). Alors que l’ensemble des marques de grande distribution arrêtent leurs activités en Russie, le groupe continue son activité et ne se positionne pas sur le conflit. L’opinion publique ne comprend pas ce silence et commence une campagne de dénonciation du groupe. Sur les réseaux sociaux, une campagne de détournement à visée humoristique de l’image des marques du groupe voit le jour.  

Avec ces quelques exemples, on pourrait penser que l’opinion publique attend des entreprises qu’elles cessent toutes activités sur place. Mais ce n’est pas si simple.

Ce qui leur est principalement reproché, c’est leur refus de prendre parti, de communiquer et de justifier leur décision, faisant passer, aux yeux de l’opinion publique, les résultats économiques avant toute autre considération.

Certaines marques et entreprises ont décidé de maintenir leurs activités en Russie, mais ont préservé leur réputation en communicant rapidement et en toute transparence.

Le groupe Véolia a décidé de maintenir son activité en Russie. Cela n’a pas empêché le groupe de communiquer un soutien fort à leurs salariés sur place, à se positionner sur le conflit et à expliquer les raisons du maintien de son activité. La marque a préservé sa réputation.

Le groupe Danone a lui aussi rapidement communiqué sur les raisons du maintien de son activité, et présenté son soutien et de protection aux salariés présents dans des zones à risques. De la même manière sa réputation a été préservée.

La manœuvre n’en reste pas moins risquée. Un facteur important à prendre en compte lors de la construction d’une stratégie de positionnement est le timing. Une prise de position peut se retourner contre la marque, si elle se fait trop tardive (comme Renault), elle paraîtra maladroite ou forcée. Si elle est précipitée, due à une mauvaise évaluation des risques, cela peut mener à la création d’un fort sentiment de rejet de la part de l’opinion, une charge émotionnelle altérant le jugement, menant le reste de la concurrence à se positionner différemment. Un facteur important de la réussite de l’opération est le choix du porte-parole. Qui au sein de l’entreprise est capable d’incarner le message de l’entreprise et par quel canal ?

Il est donc d’une importance capitale pour la marque de garder son authenticité. Une position ambiguë sur un sujet de guerre peut être particulièrement destructeur pour la réputation d’une entreprise.  

Enfin, il est bon de rappeler l’importance de comprendre le contexte avant de prendre position. Si pour le cas de l’invasion de l’Ukraine par la Russie avait l’avantage d’avoir un ennemi désigné par la majorité des gouvernements occidentaux, il est bien plus difficile de prendre position sur un sujet comme le conflit Israélo-Palestinien et aucune marque présente dans les pays arabes et en Israël ne s’y risque.


La cyberattaque: une crise à enjeu majeur et probabilité forte.

Face aux cyberattaques, toutes les entreprises sont concernées, quels que soient leur secteur d’activité et leur taille : en France, on dénombre près de 330 000 attaques réussies en 2022 sur des PME et 17 000 contre les grands groupes et ETI. Pourtant, une majorité de dirigeants se pensent protégés par une sensibilisation que plus personne n’écoute et par des protections technologiques créées par ceux qui les piratent.

CyberrisquesEmmanuelle Hervé, du cabinet EH&A Consulting – 28 août 2023

Partez du principe que votre entreprise sera victime d’une cyberattaque d’ici cinq ans et qu’il faut s’y préparer. Un constat qui peut sembler alarmant mais qui reflète une réalité bien prégnante. Depuis l’entrée en vigueur du RGPD en 2018, l’entreprise est devenue « schizophrène ». Elle est, d’une part, victime d’une cyberattaque et, d’autre part, coupable aux yeux de la loi de ne pas avoir su protéger les données qui lui ont été confiées. La conjoncture, marquée par le télétravail et son lot d’appareils connectés, offre plus de flexibilité aux collaborateurs. Elle augmente cependant la vulnérabilité face aux cyberattaquants. La cybersécurité ne se limite pas à la technologie. Elle intègre en effet des aspects humains et organisationnels. Ainsi, la seule certitude pour l’entreprise, malgré tous les efforts qu’elle consent pour se protéger, est d’être confrontée à une cyberattaque, un jour. Nous avons tous été surpris de la cyberattaque qui a paralysé Sopra Steria, fin octobre 2020. Nous avons été sidérés d’apprendre que les gouvernements, les armées, étaient victimes de cyber-assauts. L’attaque la plus importante contre un Etat ne date pas d’hier : en 2007, l’Estonie doit faire face à une cyberattaque massive contre ses sites gouvernementaux en provenance de Russie. Depuis, l’OTAN a installé son Centre d’Excellence et de Coopération en Cyber défense à Tallinn. Il serait alors arrogant de penser que nos organisations privées puissent être épargnées. Il est donc primordial de s’entraîner et de se préparer à affronter les défis d’une cyberattaque. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’assureur Hiscox annonce 75% de déclaration de sinistre en moins chez les assurés ayant suivi une formation.

Quel plan d’action ?

En premier lieu, s’assurer qu’en cas de cyberattaque, la cellule de crise stratégique de l’entreprise se mobilisera et ne sera pas cantonnée à une résolution opérationnelle. Il conviendra alors d’échafauder un plan de crise adapté à ce scénario très particulier. Une fois le processus lancé, les personnes en charge des fonctions en cellule de crise devront apprendre à se servir des outils du plan. Elles devront ensuite s’entraîner pour acquérir la fameuse « action réflexe » sans laquelle le processus reste un vœu pieux. La communication de crise se prépare également en amont. Ce n’est pas au milieu du gué qu’il faudra débattre de la posture à avoir, informer les parties prenantes, ou pas, que nous sommes cyberattaqués. En cas de demande de rançon, faut-il admettre qu’il y en a une ? Que dire aux collaborateurs, aux clients, aux partenaires ? Mais aussi comment leur dire, quand nous n’avons plus accès aux courriels voire au téléphone ? Tout cela s’anticipe et se prépare.

Et le jour J ?

En cas d’attaque, la gestion de crise doit être mobilisée sans tarder. Les erreurs les plus coûteuses sont souvent commises dans la première heure, d’où l’importance d’un processus solide et préparé en amont. Les facteurs anxiogènes sont déjà présents :  la dimension cybersécurité vient rajouter son lot de complications. En effet, le COMEX peut éprouver des difficultés à comprendre la situation, se reposant alors sur la fonction du RSSI en lui infligeant une forte pression. Comment prendre une bonne décision et tenir sur le long terme dans ce genre de situation ? Une cyberattaque, comme toute situation en gestion de crise, est singulière. Les fonctions des SSI et des DSI vont être fortement mobilisées pour remettre en marche, voire reconstruire les systèmes informatiques. La présence d’un officier de liaison entre la cellule stratégique et la cellule IT apparaît ici nécessaire pour éviter de submerger les opérationnels. Mais aussi pour communiquer de manière claire dans les deux sens sur l’avancement du rétablissement du système et sur les besoins de la cellule stratégique.

Si tu veux la paix, prépare la guerre

Ainsi, la cybersécurité est une lutte permanente qui nécessite une vigilance constante, une culture d’entreprise, une bonne préparation et des technologies de pointe. L’enjeu est de taille. Il s’agit de la sécurité de nos données, de celles de nos collaborateurs et donc de celle de l’entreprise Celles-ci peuvent-être très sensibles. Les victimes n’hésiteront donc pas à fustiger l’entreprise pour son incapacité à protéger les données confiées. A l’ère de la guerre numérique, les conséquences d’une cyberattaque sont lourdes sur les plans financier, humain et réputationnel. Ces crises s’installent dans la durée et laissent des séquelles. Il est donc plus que jamais nécessaire d’affronter l’idée qu’il faut s’y préparer. Cliquer sur l’image pour lire l’article sur InCyber!

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