Le calendrier médiatique a beau être chargé, il n’empêche pas le sujet du coronavirus de ressurgir chaque jour. Le dénombrement des décès, des nouveaux cas détectés et des nouveaux pays concernés par l’épidémie, alimente une psychose qui grandit et s’étend de plus en plus à travers les populations.
Le 24 février au matin, Emmanuelle Hervé était l’invitée de LCI pour analyser un point fondamental qui commence à inquiéter les Français : le pays serait-il prêt à faire face à une épidémie de Covid-19 sur son sol ? La question est légitime, puisque des centaines de cas ont été découverts en Italie, où on déplore également plusieurs décès.
Comment le Gouvernement doit-il communiquer efficacement, tout en étant transparent sur cette situation ? Quelle posture doit-il adopter pour ne pas générer de panique ? Ces questions sont également valables pour les entreprises. Rappelons que le patient 1 en Italie travaillait pour la multinationale américaine Unilever. À l’ère des réseaux sociaux et de l’accès à l’information par tous en un rien de temps, la panique face à ce phénomène est concevable, et malheureusement déjà nettement observée.
« Invariable ! En dépit des belles proclamations des « autorités » accompagnant chaque nouvelle crise sanitaire, sur le mode « Tous les enseignements ont été tirés… bla-bla-bla… les services sont mobilisés 24 heures sur 24… bla-bla-bla… le nuage radioactif n’a pas franchi la frontière… bla-bla-bla… », l’incapacité à anticiper reste la même. Résultat, les mesures sont prises en catastrophe et s’avèrent volontiers ridiculement disproportionnées »
Peut-on notamment lire sous l’article du Figaro dédié à la préparation de la France en cas d’épidémie.
La défiance vis-à-vis du Gouvernement est renforcée par le changement politique survenu au ministère des Solidarités et de la Santé. M. Olivier Véran a en effet remplacé Mme Agnès Buzyn. Ce changement a fait naître l’idée selon laquelle le Gouvernement ne parvenait pas à anticiper cette crise et n’assumait pas l’importance des enjeux.
Pourtant, plusieurs bonnes démarches sont à noter. Lors de sa première conférence de presse, le nouveau ministre a notamment promis d’en réaliser une quotidiennement. S’en tenir à cette déclaration permettrait d’envoyer à la population un vrai signal de transparence et de confiance. De plus, une de ses interventions a été filmée en direct de la cellule de crise du ministère, une scène plutôt rare, qui démontre la volonté du Gouvernement de se préparer à toutes les éventualités. Ce que nous pouvons retenir de la communication mise en place par le Gouvernement est qu’elle est relativement bien menée, habile et rassurante.
L ’ex ministre de la Santé Mme Buzyn avait déjà mis en place un numéro vert, permettant de ne pas surcharger le 15 ; par ailleurs un renforcement du call center du 15 a été observé avec une mobilisation accrue de médecins. En outre, les urgentistes recommandent à la population d’appeler ces numéros en cas de symptômes, en d’autres termes, consulter son médecin ou son pharmacien est à proscrire si possible, les risques de contamination dans les salles d’attente notamment étant élevés.
Pourtant, on peut noter que la médecine de proximité est un vecteur de confiance, c’est un réseau efficace sur lequel il faudrait s’appuyer pour limiter la gangrène des rumeurs et des confusions liées au virus. Dans ce type de cas, le Gouvernement est généralement accusé d’un manque de transparence, voire de ne pas tout révéler pour éviter l’affolement. En revanche, on accorde une certaine confiance à son médecin traitant, son pharmacien. Ceux-ci d’ailleurs sont régulièrement informés à travers une liste de diffusion « DGSE-urgent » qui recense les situations auxquelles les professionnels de santé peuvent être confrontés et la manière d’y faire face.
Quoi qu’il en soit, de plus en plus de nos hôpitaux sont préparés à l’éventualité d’une propagation du virus en France. Les quelques cas français sont isolés et stables et ont permis de tester de notre système. Nos méthodes et nos guides de dépistage sont éprouvés. Le cas de Contamines démontre bien que le système est en place, qu’il fonctionne et qu’il permet de rassurer la population. Par ailleurs, le rapatriement de nos ressortissants se poursuit.
On observe une réelle pédagogie depuis le début de la médiatisation du coronavirus sur la transmission des consignes à suivre pour éviter l’aggravation de la situation. De multiples questions pourtant fondamentales restent en suspens. Quels sont les différents masques à porter en cas d’épidémie, ont-ils la même utilité ? Dans quelles mesures deviennent-ils inefficaces ? Le contexte actuel nécessite pourtant une attention toute particulière portée à l’explication, aussi fastidieuse soit-elle, et à la vulgarisation de données comme celles-ci.
À l’inverse, s’embourber dans des questions impliquant la fermeture des frontières ne va aucunement préparer les pays à une potentielle crise. L’Italie est « à nos portes » effectivement, mais nous sommes en Europe, autrement dit, il n’y a pas de frontières. Ainsi, la réaction, la réflexion et la position de la France doivent concorder avec celles des autres pays d’Europe, pour éviter la panique et la propagation du virus constatées en Italie.
Vous trouverez sur notre blog Les cinq éléments à prendre en compte afin de se préparer à une pandémie ; de même, l’OMS et France Diplomatie mettent régulièrement à jour leurs recommandations en fonction de l’évolution de la situation. Pour suivre le recensement des cas (avérés et suspectés), les décès et la diffusion de la maladie à travers le monde, vous pouvez retrouver ici une carte mise à jour en temps réel. Elle a été mise au point par des chercheurs de l’Université John-Hopkins aux États-Unis.
Téléchargez via ce lien le guide du cabinet Emmanuelle Hervé & Associés de conseils en gestion de crise afin de faire face au Covid-19 et préparer le retour à la normale et la reprise d’activité.
La rencontre insolite avec les équipes gestion de crise du Groupe Teleperformance
La crise actuelle met en péril l’économie mondiale. Toutes les entreprises voient leurs activités chuter et par conséquent doivent renoncer à leurs objectifs. Toutes ? Non ! Certaines d’entre elles ont réussi à maintenir leurs activités et ainsi à faire de cette crise une opportunité, c’est le cas de Teleperformance.
Le groupe Teleperformance, un leader mondial des services aux entreprises en solutions digitales intégrées et qui emploie plus de 330 000 personnes à travers le monde, a maintenu son activité, préservé ses clients, tout en protégeant l’ensemble de ses collaborateurs. Il convient donc logiquement de s’intéresser aux spécificités de la gestion de crise COVID par cette entreprise. Comment combiner protection des salariés, exigence du résultat et crise globale ? Cette équation est-elle insoluble/impossible ?
Un grand merci à l’équipe de Teleperformance qui nous a accordé cet entretien afin que nous puissions échanger sur le vécu de cette crise par un groupe multiculturel, toujours en activité, et présent dans 80 pays.
La position de Teleperformance dans la crise COVID
Pour Teleperformance, la crise n’a pas débuté le 17 mars mais dès début février. En effet, plusieurs semaines avant que l’épidémie n’arrive jusqu’à nous, en Chine, un site du groupe est fermé sur décision des autorités locales. Le centre est alors désinfecté, les mesures barrières sont mises en place et des masques sont distribués, ce qui permet à Teleperformance un redémarrage rapide des activités avec l’accord des autorités chinoises.
Le moment de bascule dans cette crise est la propagation de l’épidémie au continent européen par l’Italie. Dès cet instant, l’ensemble de l’équipe dirigeante de Teleperformance saisit l’ampleur possible que la crise peut prendre. Le groupe met alors en place un plan d’action globale qui a pour priorité de « protéger la santé de toutes les parties prenantes » selon les mots de Daniel Julien, président directeur général et cofondateur du groupe. Il met aussi en avant la volonté du groupe de « garantir la poursuite d’activité des clients ». Ainsi, bien avant que le virus ne touche massivement la France, Teleperformance avait choisi son plan d’action : se battre contre le COVID tout en continuant à servir ses clients.
Pour ce faire, Teleperformance met en place un comité mondial de crise COVID. Ce comité a pour mission de suivre le développement de l’épidémie, d’informer et soutenir les principaux décideurs et de coordonner rapidement les efforts de réponse. Fort de son expérience asiatique, Teleperformance met en place de multiples mesures : respect des recommandations de l’OMS, politique de distanciation sociale, nettoyages fréquents et renforcés de l’ensemble des installations du groupe, politique stricte d’interdiction de déplacement, disponibilité adéquate aux gels hydroalcooliques, dépistage des températures à l’entrée des sites quand cela est possible, commande de masques. Les bonnes idées ne manquent pas et très rapidement la recherche de solutions innovantes et de partage de bonnes pratiques soutiennent la gestion de crise de l’entreprise.
Clé de voute du dispositif de continuité des activités, Teleperformance s’est massivement tourné vers le télétravail, que le groupe encourage et pratique depuis de nombreuses années. Si aujourd’hui le groupe compte près de 80% de ses effectifs en télétravail (contre environ 5% avant la crise), la transformation des activités en quelques semaines a été un tour de force qui n’a pas été sans difficultés. Il a fallu d’abord convaincre les clients de la nécessité de se transformer pour la santé des collaborateurs et pour la poursuite des activités. Ensuite, ce sont les contraintes locales d’accès aux réseaux qu’il a fallu gérer et tout cela en garantissant la protection et la confidentialité des données.
Les atouts de Teleperformance dans cette crise
Une organisation efficace et résiliente
Teleperformance a su gérer la crise tout en maintenant son activité grâce à de nombreux atouts, dont notamment son organisation. Le groupe peut en effet s’appuyer sur des « process » solides et efficaces. L’entreprise est résiliente et sait capitaliser sur l’expérience passée : l’équipe nous apprend ainsi que « depuis la grippe A, nous avions déjà intégré des gestes barrières et le matériel de désinfection à nos politiques santé et sécurité ». La prévention et la communication ont ainsi pu être rapide d’autant plus qu’il existe une véritable culture de de la santé et de la sécurité au sein du groupe.
Les processus opérationnels ont également été un atout pour la mise en place du télétravail. Dès début avril, 50% des effectifs étaient déjà en télétravail et 64% fin avril et 80% aujourd’hui. Teleperformance s’est ainsi appuyé sur ce mode de travail pour que la transition dans l’urgence sanitaire se fasse aux mieux.
L’efficacité du process opérationnel de Teleperformance se constate également dans ses outils de management. En effet, l’entreprise a mis en place un système de management qui permet de recruter, former, manager, le tout en étant à distance.
Cette organisation permet au groupe de s’adapter à la crise mais aussi et surtout d’être « rapide et agile » selon les mots de Daniel Julien. L’exemple de l’action du groupe pour la ville de Tarente en Italie est parlant : à la demande des autorités de la ville, Teleperformance a fourni rapidement à la population des informations essentielles sur la livraison à domicile de nourriture et de médicament et à propos de la mise en place de bons d’achats. Les autorités tarentines ont à plusieurs reprises salué l’efficacité du groupe.
Un leadership fort et des équipes soudées
L’un des atouts non négligeables de Teleperformance dans cette crise est son leader, Daniel Julien. Il s’adresse chaque semaine à ses collaborateurs dans une volonté de fournir une information transparente sur la situation de l’entreprise, les stratégies globales mises en place et les perspectives d’avenir. Il a pris en charge la gestion de crise en prenant la direction du comité mondial COVID, qui réunit « une centaine de personnes de moins de 45 ans chargé de trouver des solutions innovantes et de retranscrire dans l’ensemble des pays les décisions du groupe ». A la manière de la « Force de réflexion rapide » de Patrick Lagadec, chaque collaborateur peut intervenir. Le but : qu’aucune bonne idée ne soit perdue et qu’aucun angle mort ne puisse subsister. Il a aussi mis en place une vie sociale virtuelle avec le « For Fun Festival », pour inviter ses équipes à échanger et communiquer artistiquement malgré la situation. Daniel Julien exprime aussi dans des communiqués ou dans la presse sa « fierté » envers ses collaborateurs et sa vigilance quant à leur sécurité. Cette reconnaissance permet une cohésion dans le groupe.
Cet exemple par le haut a par ailleurs des répercussions positives dans le groupe. Plusieurs initiatives locales sont ainsi apparues pour fédérer les équipes en ces temps troublés. Teleperformance en comptabilise plusieurs : un haircut challenge dans une équipe, des lunch zoom ou tea time zoom dans d’autres, des cours de sport en ligne, etc. Ces initiatives sont fondamentales pour vaincre l’isolement et créer un engagement pour le groupe et sa culture d’entreprise.
Une solidité financière
Teleperformance peut également s’appuyer dans cette crise sur sa solidité financière. Le groupe nous rappelle ainsi « la sécurisation des lignes de crédit supplémentaire pour plus de 700 millions d’euros en complément des facilités de 500 millions d’euros disponibles actuellement ». De fait, Teleperformance est armé financièrement face à la crise. Le groupe utilise ses fonds pour assurer la sécurité de ses « parties prenantes » par l’achat de masques par exemple mais aussi « pour assurer la fourniture des moyens matériels nécessaires à un télétravail efficace et sans obstacle ».
L’impact sur la réputation
Un impact négatif à relativiser
Le secteur des centres d’appels souffre d’un déficit d’image auprès de l’opinion publique. Beaucoup d’idées reçues circulent à son sujet et sont diffusées notamment dans la culture populaire, avec le film « Slumdog millionaire » par exemple. Avec la crise COVID-19, cette mauvaise image n’a pas changée et le groupe Teleperformance reste une cible de choix pour de nombreux détracteurs. Des fakes news peuvent ainsi circuler, comme celle sur le refus de Teleperformance de mettre en place le télétravail et la lenteur d’application. A ce sujet le groupe a assez communiqué pour montrer qu’elle était infondée et ne prenait pas en compte la réalité : une entreprise de 330 000 employés ne transitionne pas vers le télétravail en quelques jours.
Certains médias ont aussi fait état de mauvaises conditions de travail au sein de Teleperformance. Il convient ici de rappeler que le groupe est reconnu par le Comité d’Entreprise Européen pour son action dans la protection de ses employés. De plus, l’équipe de Teleperformance ajoute que le groupe se voit régulièrement décerné le prix « Great place to work » et ce dans plusieurs pays où il est implanté. Tout est mis en œuvre pour assurer la sécurité physique et financière des collaborateurs.
Un impact positif par l’action de Teleperformance
L’impact réputationnel de la crise COVID est paradoxalement bien plus positif que négatif pour le groupe. En effet, l’entreprise et ses 330 000 employés ont démontré durant cette crise que la continuité d’activité pour leurs clients n’était pas un vain mot. Le groupe assure le back office et les services critiques pour de nombreuses activités essentielles dans les secteurs de la santé, la distribution, l’énergie ou encore les services publics. Ce faisant, le choix du groupe de maintenir son activité tout en assurant la sécurité de ses agents lui a permis de fidéliser ses clients.
Teleperformance a également la charge de la hotline COVID dans 13 pays. Daniel Julien se dit d’ailleurs « vraiment honoré » de la confiance des gouvernements envers son groupe. De fait, Teleperformance est ainsi un acteur essentiel de la lutte contre le COVID en fournissant à ses 13 pays les services essentiels d’assistance à distance pour les aider à informer, protéger et rassurer leurs populations.
Au-delà de cette aide essentielle aux gouvernements, Teleperformance agit aussi de sa propre initiative dans plusieurs pays. En Colombie, le groupe a organisé une campagne caritative pour venir en aide aux citoyens les plus vulnérables face à la pandémie. Teleperformance a ainsi récolté plus de 100 000 colis alimentaires et environ 13 milliards de pesos colombiens. La crise COVID-19 permet ainsi au groupe de montrer son efficacité et son rôle essentiel dans nos sociétés.
Cette crise sera peut-être l’opportunité pour redorer le blason d’un secteur trop souvent décrié mais pas assez reconnu pour sa grande utilité.
« Les biais cognitifs, parfois aussi appelés “illusions cognitives”, sont un ensemble d’erreurs de raisonnement qui diffèrent du simple oubli ou de l’erreur de calcul. Les biais cognitifs sont observables lorsque, dans une certaine situation, un sujet commet une erreur de raisonnement en recourant à une heuristique plutôt qu’à une loi logique et forme ainsi une croyance injustifiée, voire fausse ».
Pourquoi prenons-nous des mauvaises décisions ? Pourquoi des personnes compétentes, pleines de bonnes intentions entreprennent des actions qui nous semblent bonnes mais qui se révéleront désastreuses pour l’avenir d’une entreprise par exemple ? Pourquoi nous sous-estimons ou au contraire surestimons une crise ?
Ce sont les travers des biais cognitifs. Ces erreurs, déclinées en plusieurs catégories, sont particulièrement notables en temps de crise.
Nous sommes tous de potentielles victimes de nos biais cognitifs. Nous avons tendance à sous-estimer les risques qui ont certes une probabilité d’occurrence relativement faible, mais qui ont pourtant un impact, humain, financier, ou encore réputationnel très important. On pourrait citer ici les accidents nucléaires, les crashs d’avions, etc. Nous nous y préparons donc, et à tort, trop peu. C’est ce que Thaleb conceptualise autour du « cygne noir ».
Aujourd’hui, nous retrouvons sur toutes les plateformes que nous scrutons, des extraits vidéo, où des scientifiques, des spécialistes, des politiques, minimisaient le risque d’une épidémie dans notre pays. En effet, il y a trois mois, une épidémie semblait impensable sur notre sol.
« On sait que ce virus est peu mortel »
Christophe Prudhomme, porte-parole des médecins urgentistes
Comment pouvons-nous expliquer ces prises de parole, où la peur et le déni, semblaient déformer notre perception de la dangerosité du virus. Regardons de plus près les différents biais décrits par Olivier Sibony, dont nous avons tous été victimes pendant cette crise :
Le modèle mental :
Nous avons tous vu, si ce n’est ressenti, cet irrépressible besoin de comparer ce virus à un modèle que nous connaissions, ou qui s’en rapprochait. Instinctivement, en France, nous nous sommes rappelés de la grippe A/H1N1 en 2009, rapidement maitrisée. À l’époque, nous avions agi vite et fort, avec les campagnes de vaccinations et les réserves de masques. Nous nous sommes souvenus qu’il ne fallait pas surréagir, la population, les médecins et les spécialistes, ont ce même souvenir. En Chine, le souvenir était celui du SRAS, d’où une réaction beaucoup plus forte et appropriée.
Le biais de croissance exponentielle :
Comment appréhender une croissance exponentielle ? Nous voyons une courbe de cas, de décès ; on sait qu’elle va augmenter, mais on la sous-estime.
Dans cette crise, la courbe des décès est exponentielle dès le début. Prenons un exemple simple, au début de la crise, le Pr. Jérôme Salomon annonce dans ses points quotidiens un doublement du nombre de cas tous les trois jours. On sous-réagit à l’exponentielle, car au début, on parle de chiffres de 3 ; 5 ; 8 individus… On s’éloigne encore de la prise de conscience en se persuadant que la situation, au vu de ces premiers chiffres, n’est après tout pas si grave.
L’endo-groupe, apprendre de l’expérience des autres ?
Nous avons tous un jour pensé et cru que « cela n’arrivait qu’aux autres », « ça ne peut pas arriver chez nous ». Nous sommes convaincus que notre endo-groupe est différent de l’exo-groupe.
Les Italiens par exemple, ont jugé irréaliste le comportement de leur voisin français lorsque le premier tour des municipales a été maintenu. Chaque pays ne peut pourtant pas gérer cette crise de la même façon, et nous trouvons des explications pour nous éloigner encore de la prise de conscience de la gravité de la situation. Selon Bolsonaro, les Brésiliens sont plus solides que les autres ; pour les Américains, il est bien entendu impossible d’attraper un virus chinois, probablement d’ailleurs une nouvelle machination orchestrée par les démocrates…
Toutefois, il est fondamental de se garder d’émettre des jugements hâtifs. Nous sommes tous concernés, de manière universelle, bien qu’il existe des différences sur certaines questions selon les cultures et les genres, elles n’influent que très peu sur les biais.
Le biais d’excès de confiance
Nous avons tendance à faire confiance aux estimations et à les suivre, surtout en temps de crise. Pourtant, nous les surestimons ou nous les sous estimons… L’exemple étasunien est ici notable. Lorsque de grands scientifiques ont été amenés à devoir donner une estimation du nombre de cas dans les 12 jours, ils ont répondu collectivement qu’il s’élèverait à environ 19 000.
Seulement, 12 jours plus tard, le chiffre s’élevait à 120 000 cas. Les meilleurs experts dont le pays disposait se sont donc tous trompés. De plus, il faut noter que ces professionnels ont vu d’autres épidémies, et des réactions qui ont pu s’avérer disproportionnées. Ils ont ainsi une responsabilité de prévenir mais aussi de ne pas semer de panique devant tant d’incertitudes.
Le biais social ou le biais d’imitation
Des parcs bondés, des plages occupées, des réunions entre amis, ces gens qui font comme si tout allait bien, ne peuvent tout de même pas se tromper ? Si ? La situation ne doit pas être aussi grave en fin de compte… Le 15 mars, le confinement que nous vivons actuellement nous semblait impensable. Aujourd’hui, c’est la norme, nous l’acceptons et nous nous y conformons (du moins la plupart d’entre nous s’y conforment et heureusement), d’ailleurs nous assistons même aujourd’hui à des dénonciations de ceux qui ne semblent pas le respecter. Ce modelage des habitudes montre que nous faisons comme les autres, nous sommes influencés et nous imitons le comportement des uns et des autres.
Mais sachant tout cela, comment fait-on pour éviter les biais qui altèrent notre jugement ?
Les biais cognitifs sont des erreurs dont nous n’avons par principe pas conscience sur le moment. Ce sont des réalités qu’on ne peut pas éviter tout seul.
C’est une leçon d’humilité, nous ne sommes pas à l’abri d’en être victime. Cette fatalité est amplifiée par les médias, que nous consommons particulièrement régulièrement pendant cette période. Ils ont un rôle non négligeable dans ces biais. Ils nous poussent à nous retrancher dans le « système 1 », une pensée rapide, permanente, qui ne nous aide certainement pas à prendre du recul. M. Sibony nous rappelle d’ailleurs que 80 % du temps d’antenne des médias sont centrés sur le Covid-19, mais à nous de nous gendarmer sur cette activité.
On prend conscience aujourd’hui qu’il aurait fallu agir dès les premiers cas de décès déclarés.
À cause du mécanisme des biais, la prise de conscience se fait malheureusement par palier, nous avons donc tous un temps de retard. Aujourd’hui on ne comprend pas pourquoi les municipales en France ont été maintenues, on conçoit qu’il s’agissait, même avec des précautions, d’un facteur supplémentaire de propagation de l’épidémie.
Pourtant, avant le confinement, les réactions sur une possible annulation des élections étaient vives… On a pu entendre notamment la comparaison d’une annulation avec un « coup d’État ». Ce sont pourtant ces mêmes personnes qui aujourd’hui sont révoltées et qui jugent l’action gouvernementale tardive. C’est un véritable paradoxe, mais l’acceptabilité, se fait par palier.
Après avoir sous-réagit, on sur-réagit, tout s’emballe ! Il est difficile dans une situation de crise de revenir à un raisonnement patient et rationnel.
Nous allons également devoir penser à l’après, ce qui nous semble difficile car le bilan s’alourdit. De nombreuses personnes vont mourir, et sont en train de mourir, cela se passe maintenant, c’est tangible. Au-delà de La Peste de Camus il faut aussi anticiper Les Raisins de la colère de Steinbeck, même si cela peut sembler indécent. Car la crise économique qui se profile représentera également de nombreuses cassures et causera de multiples blessures dans la société. Le désespoir est déjà très important, on peut le voir aux États-Unis par exemple, où une partie de la population préfère prendre le risque d’un déconfinement immédiat, plutôt que de subir par la suite une violente crise économique, qui engendrera indubitablement une autre crise sanitaire. Finalement, cette crise est plus abstraite, moins tangible, moins urgente, mais on doit y réfléchir.
Malgré la pression médiatique il ne faut pas avoir le sentiment de choisir entre une crise sanitaire ou une crise économique, mais devoir réfléchir aux impacts sur le bien-être global des choix que nous devrons faire à la sortie de cette crise. En d’autres termes, « il faut prendre de la distance pour sauver des vies après. »
Sortir de la crise
Pour sortir de cette crise, nous allons devoir faire des choix, mais aucun ne permet de garantir une sécurité totale. Aucun schéma ne nous garantira de mettre tout le monde à l’abri.
En fait, M. Sibony décrit quatre niveaux d’incertitudes dans lesquels nous nous retrouvons :
Combien de gens sont infectés, combien l’ont été ? etc.
À quelle vitesse le virus se transmet, comment exactement ? Dans quelle mesure il sera saisonnier ? L’immunité est-elle définitive ?
Combien de temps va durer le confinement, quel impact sur la paix et sur le tissu social aurait-il ?
Est-ce que les gouvernements ont fait assez ? Notre consommation va-t-elle changer après ?
Personne ne sait aujourd’hui comment nous sortirons de cette crise, et quelle image aura la société après celle-ci. On peut formuler de multiples scénarios tant le niveau d’incertitude est grand. Pourquoi ne pourrait-on pas envisager une récession comme en 1929 ? Il faut ici repenser à Socrate après tout « Tout ce que je sais c’est que je sais que je ne sais rien ».
Pour la sortie du confinement, les mêmes interrogations se posent, et encore une fois plusieurs scénarios sont envisageables. Il y aura probablement des confinements successifs, mais dans ce cas-là ils pourront être difficiles à faire respecter ? Un déconfinement par catégories, qui pose des problèmes éthiques ? Un déconfinement progressif à commencer par les personnes qui sont supposément immunisées après avoir été guéries du virus ?
Chaque système a ses failles, la seule solution reste un remède, un vaccin. Il est ici temps de revenir sur un autre biais, dont nous serons forcément victimes à la fin de cette crise.
Le biais rétrospectif
Il n’y a rien de plus facile que de regarder le présent à la lumière du passé, on reprochera de toute manière au gouvernement la gestion de cette crise. Quel que soit le bilan. S’il y a 30 000 morts, nous conclurons que nous avons surréagi. Si le bilan s’élève à 300 000, nous conclurons que ce qui a été mis en place n’aura servi à rien, et qu’on peut qualifier de criminel, ce qui a été mis en place.
Dans l’après, nous aurons du mal à imaginer l’incertitude dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Et nous serons alors, forcément victimes du biais rétrospectif.
C’est ce que nous enseigne Olivier Sibony, professeur à l’HEC, spécialiste en résolution de problèmes, en prise de décision et expert en stratégie, dans une conférence virtuelle intitulée : comprendre les biais cognitifs en pleine crise du coronavirus. Celle-ci est disponible ici : https://www.youtube.com/watch?v=wDD4h-_TgQs.
Nous vous avons proposé un résumé de cette excellente et très instructive intervention. De celle-ci, nous avons dégagé cinq leçons pour tenter de mieux appréhender ces biais, de les connaître, et savoir qu’ils peuvent nous induire en erreur.
Connaître et savoir identifier les biais dont on peut être victime est une bonne chose. Mais le mieux, c’est aussi de regarder les faits plutôt que les raisonnements par analogie. Il faut se munir d’une humilité devant les faits, s’entourer d’une diversité de points de vue.
Paniquer ne vous aidera pas. En France, nous suivons les ordres du pouvoir central. Dans d’autres pays, les universités par exemple ont fermé avant que ce soit obligatoire (c’est le cas des États-Unis), on a pu observer également des initiatives prises par des populations, confinées avant que les mesures gouvernementales de les y obligent (c’est le cas de l’Ukraine).
Personne ne sait rien, tout le monde fait des probabilités. Accepter l’incertitude est fondamental.
Se préparer, apprendre à anticiper est indispensable.
Accepter que le risque zéro n’existe pas ; les biais ont beau être connus, ils ne sont parfois pas pris en compte, parfois oubliés. Nous restons humains, faillibles, c’est pour ça que les meilleurs épidémiologistes peuvent se tromper.
Par définition la crise est un événement inattendu. Cette soudaineté rend les équipes de gestion de crise tendues, sous pression, entraînant alors une fatigue. Cependant, la plupart du temps, cette pression se vit sur un laps de temps, généralement court. La fatigue accumulée bien qu’importante cesse dès lors que la crise est finie.
Toutefois, ce postulat de départ n’est pas valable dans le contexte actuel, les équipes de gestion de crise entrent dans leur 7ème mois ! Le 17 mars 2020, la population française connaissait un premier confinement. Le 28 octobre 2020 Emmanuel Macron annonçait la mise en place d’un nouveau confinement. En somme, la crise sanitaire est longue, fastidieuse et ne semble pas connaître une date de fin dans un futur proche. Ainsi, dans ce contexte d’incertitude, ménager son équipe de gestion de crise est une priorité pour le leader d’une entreprise afin de tenir sur le long terme.
Cela est d’autant plus vrai que les conséquences de cette fatigue peuvent aller crescendo : ambiance de travail pesante, démotivation, sentiment de solitude, manque de réactivité, non-détection des signaux faibles, autre crise non-détectée etc…
Les employeurs qui hésitent à s’investir pour la santé psychologique risquent d’en payer le prix fort une fois la crise sanitaire passée, avec le départ et le désengagement progressifs de leurs équipes. – Christophe Nguyen, Président Empreinte Humaine, associé psychologue du travail.
Afin d’éviter cette fatigue accumulée nous vous proposons plusieurs pistes : Veillez à faire une mise au point sur ce qu’il s’est passé. L’utilisation du retour d’expérience (RETEX) est l’occasion pour vos équipes de gestion de crise d’observer ce qui a été fait et d’en tirer des conclusions. Ce RETEX vous permettra de prendre du recul sur les évènements qui ont eu lieu et de modifier le rythme de travail dans lequel vos équipes de gestion de crise se trouvaient. Autrement dit, vos équipes de gestion de crise ne seront plus dans l’anticipation de la crise (situation avant le RETEX) mais seront plutôt sur la réflexion et l’étude de ce qui a été fait pour gérer la crise (RETEX).
N’hésitez pas à communiquer de manière fluide. Vos collaborateurs doivent savoir ce que vous pensez et comment vous pensez. Cela permettra de ne pas les surprendre par une décision ou un comportement inattendu qui pourrait être source de tension. Veillez à ce que vos équipes de gestion de crise ne soient pas démotivées. Cela passe par plusieurs choses : la reconnaissance du travail effectué, l’empathie et l’écoute, la création d’un véritable lien social et l’allègement des objectifs.
Reconnaître le travail effectué et remercier. La reconnaissance du travail effectué lors de la crise sanitaire peut paraître évidente de prime abord. Toutefois, il est bon de rappeler que le leader de l’équipe de gestion de crise se doit de le préciser. Le leader qui ne dit jamais « merci » ou « bon boulot » est à proscrire.
Faire preuve d’empathie et être à l’écoute. A travers cette pandémie mondiale, on s’aperçoit que les sphères privé et professionnelle sont toutes les deux concernées. Par conséquent, le leader doit être empathique et à l’écoute aussi bien s’agissant de la vie personnelle que de la vie professionnelle de ses employés. Toutefois, la difficulté réside en ce que le leader devra s’enquérir de chacun de ses employés mais sans s’immiscer dans le cocon familial.
En pratique, le leader doit être capable de comprendre que les employés peuvent être malades, démotivés, fatigués, tendus, stressés mais aussi que les employés n’ont pas nécessairement les moyens et/ou un endroit où travailler correctement. Ne pas prendre en compte des enfants en bas-âge ou bien le manque de place dans un logement (tel qu’un appartement parisien) peut être un manque d’empathie.
Créer du lien avec les membres de votre équipe de gestion de crise. La création de ce lien social peut passer par l’aménagement de groupes de conversation. Par exemple, des conversations « machine à café » sur Skype peuvent être créées afin d’entretenir le dialogue, garder un contact visuel (à travers l’activation de la caméra), vérifier que l’équipe se porte bien, observer le comportement non verbal. Cela permettra à vos collaborateurs de bénéficier d’un espace de détente informel assurant le suivi relationnel de l’équipe de gestion de crise.
Diminuer ses propres attentes, alléger et déléguer les missions. Il faut retenir qu’en temps de crise, les collaborateurs sont sans cesse sollicités. Le leader sera donc peut être amené à être plus flexible et confier des missions avec des objectifs moins importants qu’en temps normal, à alléger les charges de travail et/ou déléguer les missions. Ne soyez pas ce donneur d’ordre qui n’a que faire de ses collaborateurs et ordonne impunément de faire telle ou telle mission en un temps record !
En outre, les collaborateurs doivent veiller à entretenir une vie saine. Manger correctement et de manière équilibrée, entretenir son corps et son esprit via des activités sportives, culturelles, en somme des activités de loisirs. Enfin, il est primordial de prévoir des suppléants aux membres permanents de l’équipe de gestion de crise. Cela permettra d’organiser des bordées, de pouvoir être absent, en sachant que quelqu’un prend le relais.
Si la résilience de l’entreprise repose sur la présence de quelques hommes ou femmes, alors elle est faible, une redondance doit être possible, sur tous les rôles. Cette idée ressort directement des plans de crise qui prévoient naturellement cette idée de suppléant aux membres permanents afin d’assurer de manière continue la gestion de la crise.
Globalement, l’ensemble de ces conseils peuvent être regroupé sous un seul et même mantra : être humain et bienveillant envers vos équipes de gestion de crise.
Emmanuelle Hervé est la fondatrice et directrice d’EH&A Consulting, cabinet de gestion de crise et de communication sensible.Stéphane Roussier, président de SRF FINANCE Conseil, est spécialiste en management de crise des entreprises en difficultés.Avec d’autres experts, ils ont fondé la Restructuring Task Force.
La crise sanitaire et ses conséquences (confinements, arrêt total et/ou partiel des activités) produira sur le long terme une crise économique d’ampleur inédite au sein des entreprises.
Pourtant, le nombre de procédures collectives sur l’année 2020 a diminué de 25% (selon l’OCED). Nos entreprises ont tenu, en partie grâce aux aides d’État. Viendra le moment de rembourser et de faire face aux difficultés engendrées par la crise.
Comment redresser les entreprises françaises face au mur de la dette ?
« Dans notre métier de gestion de crise, il est absolument fondamental de combattre un des biais cognitifs les plus fréquents qui est le déni de la situation. » Emmanuelle Hervé
Les entreprises qui subiront cette crise ne doivent pas hésiter à être transparentes par rapport à cette situation ; auprès de leurs employés, mais aussi vis-à-vis des fournisseurs et des clients. Pour ce faire, elles auront besoin de professionnels de la communication pour les guider et anticiper au mieux une sortie de crise. Des changements vont donc parfois être nécessaires. Il va falloir que ces acteurs économiques affrontent cette situation.
« Toutes les entreprises connaissent un jour ou l’autre des difficultés » nous rappelle Stéphane Roussier. Le sentiment de culpabilité qui pourrait en résulter serait contre-productif. Cette crise sanitaire doublée d’une crise économique obligera dans les prochains mois les entreprises à faire face à leurs difficultés.
Des changements vont être nécessaires, des emplois vont être menacés et il va falloir le dire et agir en conséquence. Et puisque « les entreprises françaises ont plutôt recours à l’endettement et à l’emprunt pour financer leur développement » selon Stéphane Roussier, Il faudra s’attendre au printemps prochain à ce qu’elles se retrouvent dans des situations très difficiles face à de potentiels surendettements. La survenance simultanée de plusieurs signaux d’alerte seront des indicateurs clés d’une crise à venir. Il s’agira de réagir et de communiquer avant la potentielle cessation de paiement.
Quelles sont les bonnes pratiques pour éviter aux entreprises l’état de cessation de paiement ? Faire évoluer sa stratégie et ne pas avoir peur de communiquer
La mise en place d’un plan de retournement est nécessaire à l’entreprise pour pouvoir s’en sortir : faire des concessions et de nouveaux accords avec les tierces parties.
« La 1ère étape de sortie de crise est de recréer le cash-flow, sans étrangler les fournisseurs : il faut un équilibre entre l’excédent brut d’exploitation et le cash-flow. » Stéphane Roussier
Plus vite la situation est acceptée, plus vite une sortie de crise moins dramatique pourrait être envisagée. D’où l’importance de travailler avec des agences spécialisées dans le domaine, pour maintenir la confiance des parties prenantes (internes et externes) : l’unique stratégie qui tiendra sur le long terme.
En temps de crise, la communication interne est fondamentale. Elle doit être à ce moment-là claire et transparente envers les employés, qui ne s’inquiètent jamais autant que lorsqu’ils ne connaissent pas la réalité de la situation.
Cependant, il ne suffit pas de tout dévoiler sans réflexion, il faut annoncer les choses dans un ordre préétabli : « voici la situation actuelle, voilà ce qui nous a conduit à prendre telles décisions aujourd’hui, voilà ce qui fait que nous sommes forts de nos projets futurs et que nous allons y arriver ».
Pour convaincre, il faudra travailler la crédibilité du chef d’entreprise et mettre en place des projets : il ne s’agit pas uniquement de « tenir » mais également de construire, de s’adapter et de se projeter dans le futur.
« C’est par exemple le cas d’une entreprise dans le Jura que nous avons accompagné afin de lui éviter de tomber sur le coup d’un redressement judiciaire. Elle a bénéficié d’une mobilisation locale et nationale, réussie grâce à la capacité d’entente du chef d’entreprise avec les différents syndicats de la région. Une manifestation conjointe avec la ville, la direction de l’entreprise et ses employés a pu être organisée afin de prouver la valeur de la société en question dans cette ville. » Emmanuelle Hervé
Une communication franche permet ainsi de ne pas aliéner ses parties prenantes en interne, mais aussi de maintenir la confiance de ses fournisseurs, partenaires et clients.
Il incombe donc aux professionnels de la communication de rendre compréhensible les différentes actions en cours.
Cette crise sanitaire aura certes réduit les contacts humains, mais elle n’empêchera ni la solidarité, ni l’entraide, et au contraire, elle les renforcera.
Le dimanche 30 juillet dernier, la SNCF vit une crise majeure à la Gare Montparnasse. Une panne du poste de signalisation de Vanves-Malakoff immobilise la gare la plus occupée de Paris et entraîne des suppressions et de retards de trains. La veille, une anomalie est détectée. De longues investigations ont été menées pendant 3 jours avant d’en découvrir sa source. Elle est finalement corrigée dans la nuit du lundi au mardi. Cette anomalie de signalisation a été causée par une intervention réalisée trois semaines auparavant.
Quelles causes ?
Ces recherches ont été particulièrement longues du fait de la complexité des postes composés de 17 armoires et 6 900 câbles et connecteurs électriques. Cinquante agents de la SNCF ont donc dû démonter les nouvelles installations afin de trouver l’origine de la panne.
De plus, les investigations ne pouvaient pas être menées pendant les heures de trafic, ce qui a contraint les équipes SNCF à chercher l’anomalie la nuit. Or, le dimanche soir, la SNCF fait le choix de transporter le maximum de ses usagers, ce qui réduit la plage horaire pour la recherche d’anomalie. « La capacité de réception et de départ des trains en gare de Paris Montparnasse a été diminuée à environ à 3 TGV par sens et par heure« . Entre dimanche et mardi, 20% des trains prévus ont été supprimés, et parmi les 80% restant, une grande partie des trains a été envoyé à la gare d’Austerlitz, ce qui offrait une solution limitée en termes de capacité d’accueil. La plupart des trains maintenus le dimanche et le lundi ont subi de forts retards.
La communication en temps de crise
La gestion de la communication de crise de la SNCF est perfectible. L’information auprès des voyageurs a été assez mal relayée, du fait de nombreux supports (sites internet, applications, affichages et annonces en gare). L’acheminement des voyageurs ayant été la priorité, la SNCF a négligé sa communication auprès d’eux, ce qui n’a fait qu’augmenter la confusion ambiante. Certains problèmes techniques et humains ont peu facilité la communication : des panneaux d’affichages en panne, des haut-parleurs défaillants et des agents SNCF qui ne possèdent pas toutes les informations nécessaires… De nombreuses plaintes ont alors été déposées de la part des usagers envers la SNCF, et la mauvaise gestion de la communication de crise en est en partie à l’origine, malgré les mesures prises pour le remboursement des passagers.
(source : 20 minutes)
Si des mesures ont été programmées par l’entreprise pour éviter de nouvelles pannes similaires, il est peu fait mention de l’évolution nécessaire de leur stratégie de communication lors d’une crise de cette ampleur, touchant des milliers d’usagers.
Ce qu’il faut retenir ?
La longueur des investigations qui ont permis de comprendre les origines de la panne du fait d’une volonté d’acheminement des passagers avant la résolution du problème.
La gestion de crise d’un accident est un des points fort de la SNCF, on se souviendra de la gestion remarquable de Bretigny, ici on a l’impression que puisqu’il n’y a pas de mort… le traitement est plus léger et la gestion de la communication moins bonne.
Une bonne gestion de la communication envers les usagers et en interne, mais également une bonne coordination entre les services sont essentielles en cas de crise technique majeure. Informer les usagers et harmoniser les informations sur les différents supports de communication est nécessaire pour réduire la confusion générale.
Le 12 août dernier, une consommatrice du Leclerc de Gennevilliers a découvert des objets métalliques dans une boîte de surgelés Findus. Trois pièces ont été trouvées dans le paquet au milieu la nourriture, dont une rondelle et un boulon. La consommatrice explique qu’elle comptait utiliser ce surgelé pour nourrir son enfant de 17 mois, ce qui affole les médias.
(source : Le Parisien)
Quelle responsabilité ?
Lorsqu’elle fait cette découverte, elle contacte le magasin Leclerc, qui décline toute responsabilité mais qui lui propose un remboursement. Elle refuse et explique qu’elle « n’en a rien faire, d’être remboursée ! Elle voulait qu’on prévienne les consommateurs ». Dans un premier temps, lorsqu’elle contacte l’entreprise pour leur faire part de son expérience, Findus ne lui répond pas. Un bras de fer s’engage donc entre la consommatrice, le magasin et la marque.
Le 14 août, alors que la polémique prend de l’ampleur, Findus prend un appel téléphonique de la consommatrice et publie un communiqué « Nous avons pu échanger avec la consommatrice au téléphone lundi 14 août. Nous comprenons parfaitement qu’elle et ses proches aient pu être choqués par cette découverte« .
Findus déclare qu’il ne s’agit que d’un évènement exceptionnel car les lignes de productions sont équipées de détecteurs de métaux, et qu’il est plus « gênant qu’inquiétant ». Néanmoins, une enquête interne est déclenchée afin de comprendre l’origine de cet évènement et pour déterminer si cet incident est la marque d’un problème plus important sur les lignes de production. Bien que l’entreprise s’engage à tenir la consommatrice informée du résultat de la requête, elle annonce qu’elle ne consommera plus de produits Findus, et qu’elle ne retournera pas chez Leclerc.
Après le scandale début 2013 concernant la présence de viande de cheval dans des produits certifiés pur bœuf en Irlande qui a touché Findus et son sous-traitant français Comigel, la découverte métallique bouscule encore une fois la direction de Findus dont la réponse s’est fait longuement attendre.
Ce qu’il faut retenir ?
Il semble que Findus n’a toujours pas les bons réflexes, il faut répondre, vite et montrer de l’empathie.
La question de la responsabilité de l’incident est au centre de cette affaire. Face aux consommateurs, les groupes Leclerc et Findus doivent répondre de leur part de responsabilité et trouver la cause de l’incident afin qu’il ne se reproduise plus. C’est toujours la même discussion qui du distributeur ou du fabricant doit prendre la parole ? Les deux, mon général! Mais surtout sans jamais s’accuser l’un l’autre…
La réputation du groupe Findus, entachée depuis 2013, est de nouveau remise en cause.
Nous sommes en été, Le Parisien cherche des sujets, ce sont le genre de faits divers qu’ils affectionnent, il faut y prendre garde et être irréprochable.
Le 9 novembre dernier, de nombreuses perturbations sur vos sites internet ou vos boites mails vous ont peut-être ralenti, voir immobilisés dans votre travail. La raison ? Des dysfonctionnements en cascade chez OVH.
OVH est une entreprise française spécialisée dans les services internet, l’hébergement de sites, de boites mail ou de Cloud Computing. La société est implantée dans 19 pays et sert plus d’un million de clients grâce à ses 20 Datacenters. Elle est aujourd’hui leader sur le marché européen et troisième mondial de l’hébergement web.
La loi de Murphy : quand tout va mal, la situation peut encore empirer
Le jeudi 9 novembre à 7h15, OVH perd deux de ses générateurs électriques principaux. Une partie de ses clients sont immobilisés, n’ayant plus accès à leur site ou leurs boites mails.
Les alimentations de secours qui devaient prendre le relais ne se sont pas déclenchées, et la panne s’est prolongée. La totalité des services dépendants des sites concernés ont été interrompus.
Une heure après la perte des générateurs, un autre site d’OVH, celui de Roubaix, tombe également en panne. Ce nouveau problème est indépendant du premier, et a pour conséquence d’immobiliser encore plus de services.
Par exemple, les sites de BFM et de l’Autorité de Sûreté Nucléaire ont été inaccessibles pendant plus de 2h30. Ce n’est qu’à 15h21 qu’OVH annonce le rétablissement total de ses installations, mais les fluctuations ont perduré pendant encore plusieurs heures.
La communication d’OVH, un jargonnage très réactif
Ces pannes en cascade ont provoqué l’interruption d’activité de nombreuses sociétés qui ont eu deux types de réaction : la moquerie ou la colère.
La qualité et la rapidité de la réponse d’OVH étaient centrales dans la gestion de cette crise, de par la nature des pannes, de l’entreprise et de ses clients. Analysons donc leur stratégie de communication.
Une heure après l’incident, le PDG d’OVH, Octave Klaba, communique sur tweeter. L’intervention du président de la société via sa page Tweeter est parfaitement approprié puisqu’il permet de montrer à ses parties prenantes l’implication de l’entreprise dans la résolution du problème. Sa réaction est rapide et rassurante car la société OVH montre qu’elle agit.
Néanmoins, il utilise un langage très technique qui ne parle pas à la plupart de ses clients : qui peut comprendre ce qu’est un SBG1 ou ce que cela implique pour les clients ? Le jargonnage est un problème récurrent dans la gestion de cette crise, la plupart des utilisateurs des services OVH ne comprenaient pas les informations délivrées. En effet, la fiche explicative des éléments de langage s’est perdue dans le fil de tweet, elle aurait dû figurer dans chacune des interventions d’OVH.
Le compte Twitter de l’assistance OVH répond à de nombreux Tweets et renvoie vers un site qui permet de suivre l’avancée des travaux de l’entreprise. Cette transparence est félicitée par plusieurs internautes.
Néanmoins, les informations disponibles sont encore peu détaillées et relèvent d’un niveau technique non adapté au public auquel elles ont été soumises.
Une semaine après la crise, OVH publie un retour sur expérience sur son site. Dans cette très longue communication, les pannes d’OVH sont expliquée sans trop de jargonnage, la responsabilité de l’entreprise est reconnue, mais lemea culpan’est pas assez présent, alors même que certaines entreprises clientes d’OVH sont entrées en crise du fait même de ces pannes.
Ce n’est pas la première fois que l’entreprise OVH doit faire face à des pannes majeures impactant fortement ses clients. En septembre 2013, le site de Roubaix était déjà tombé en panne pendant plus de quatre heures, et en juin dernier, c’est la baie de stockage d’OVH qui avait connu des dysfonctionnements.
La répétition d’interruptions de service a poussé plusieurs clients à quitter l’hébergeur.
Ce qu’il faut retenir :
Une crise peut en cacher une autre, soyez toujours vigilants quant à l’anticipation et à votre environnement.
La réactivité et la transparence sur les réseaux sociaux permet à la crise de ne pas dégénérer. L’absence et le silence sont vos pires ennemis.
Attention au jargonnage, il faut adapter vos éléments de langage au public concerné pour que votre communication soit vraiment efficace.
Vos antécédents jouent dans la perception de vos clients et des internautes. Sans communication adaptée et sans mea culpa, la perception de votre réputation affectera votre business.
Le mois dernier nous vous expliquions comment agir, et comment réagir à une procédure du Department of justice. Dans cette seconde partie, nous vous présenterons les conséquences sur les groupes visés : de l’impact sur la réputation jusqu’à la perte de business.
Comment ça se passe ?
Le Foreign Corrupt Practices Act consacre la compétence des tribunaux américains, même si les opérateurs économiques visés semblent très éloignés des États-Unis. La position américaine de « gendarme du monde » clamée par certaines administrations (plus nuancée à partir du mandat de Barack Obama) prend ici tout son sens.
Or les procès peuvent être longs avec des conséquences désastreuses (jusqu’à la disparition de la société) et l’impact financier dissuasif. Les entreprises vont donc généralement tout faire pour l’éviter en se tournant vers des deals. Il y a donc 3 types d’accord :
Le Guilty Plea : La société reconnait sa culpabilité, elle ne peut dès lors plus concourir aux marchés publics. C’est souvent lorsque l’entreprise n’a pas coopéré que le Guilty Plea est proposé. Une fois encore, il s’agit ici de collaborer pleinement ; le DoJ peut estimer que la société a fait preuve de mauvaise foi en dissimulant des informations. Les amendes sont dans ce cas très lourdes. Comme ce sera le cas dans tous les accords, les autorités états-uniennes communiqueront publiquement l’accord en question.
Deferred Prosecution Agreements (DPA) : Dans ce cas, le DoJ constate, si ce n’est l’inexistence d’un système anti-corruption interne, sa défectuosité. Les sanctions sont dès lors plus sévères. L’entreprise doit alors subir une « rehab », une cure de réhabilitation. Elle devra ouvrir ses portes à un monitor, contrôlant les mesures de prévention mises en place pour une durée allant jusqu’à trois ans. En cas de mauvaise exécution de l’accord, la société peut être sévèrement sanctionnée.
Non Prosecution Agreement (NPA) : Dans cet accord les autorités américaines vont prendre en compte les différents systèmes de contrôle et de préventions, qui s’ils étaient efficaces, ont été contournés par des individus. Si le DoJ ne constate pas une corruption institutionnalisée, il sera enclin à se tourner vers le NPA. L’entreprise signe alors un « statement of facts » écrit par le Department of Justice. La société peut, néanmoins, ne pas être d’accord avec ce récit des faits (ce qui est souvent le cas). Il lui est cependant interdit de contester les faits en public, elle doit d’ailleurs faire une déclaration où elle explique que tout sera fait pour que ce type d’infraction ne se reproduise plus.
Les conséquences
Financières
10 milliards pour la BNP, 800 millions pour Siemens, il n’est pas rare que les amendes américaines atteignent des sommes vertigineuses. Les conséquences d’une sanction ou d’un simple accord, comme nous l’expliquions précédemment, se tournent très souvent vers là où cela fait mal : le porte-monnaie des groupes. Il est difficile d’imaginer que les dividendes des actionnaires ne soient pas touchés par des amendes record comme celle de la BNP. Si ce n’est pas le cas, il est tout de même légitime d’imaginer l’inquiétude et la perte de confiance des actionnaires qui découlent d’une telle situation. Ces amendes auront une répercussion directe sur les résultats annuels. Et même si ces dernières ne sont pas si importantes, les dépenses liées aux frais d’avocats auront de quoi faire frémir plusieurs directeurs financiers.Le but des autorités américaines – du moins celui affiché – est de décourager toute organisation de suivre le mauvais exemple. Le « Name & Shame », cher aux anglo-saxons prend ici toute sa force.
Souveraineté des entreprises
S’il fallait résumer en un mot, les pratiques de l’extraterritorialité de la loi américaine et du FCPA, ce serait sans doute « intrusif ». C’est d’ailleurs ce que pointait le rapport intitulé « L’extraterritorialité de la législation américaine » de l’assemblée nationale publié en 2016.
On peut citer alors la procédure de « discovery » (obligation de fournir de très nombreux documents), l’obligation de coopération immédiate et sans réserve avec la justice, sans compter les obligations de mettre en place des programmes de compliance, de protection des lanceurs d’alerte. Pire, l’entreprise peut être dans l’obligation d’ouvrir ses portes à un contrôleur (moniteur) qui vérifie pour une durée variable les mesures de prévention mises en place. Ce contrôleur pourrait dès lors avoir un droit de regard sur la stratégie des groupes comme ce fut le cas pour Siemens, soumis à un contrôleur interne désigné par la justice américaine après sa condamnation en 2008. « On l’a dit, l’ensemble des services de renseignement américains sont depuis longtemps et très officiellement mobilisés pour l’application des lois extraterritoriales telles que la loi FCPA ou les sanctions économiques » expliquait ce même rapport de l’assemblée nationale. Une manière de soulever une question fatidique sur une possible dimension d’intelligence économique américaine à travers cet arsenal de guerre économique. Cette étape de monitoring est très contraignante, des documents stratégiques peuvent être demandés laissant redouter qu’ils soient transmis à la concurrence.
Est-ce que le FCPA est une arme d’américanisation massive ? Il n’y a pas assez de preuves pour l’affirmer réellement, même si quelques temps après, les procédures Technip (devenu Technip-FMC) ou l’activité énergie d’Alstom (par General Electric) sont passées sous contrôle américain. Ce qui est certain, c’est que ces évènements fragilisent grandement les groupes et donnent une opportunité à la concurrence de prendre position dans leur rachat. À condition, tout de même, que les menaces futures sur l’organisation soient « contrôlables ».
Les politiques français se sont saisis de la question. Jean-Luc Mélenchon expliquait, dans l’émission le grand Jury sur RTL, que les Américains étaient en train de prendre le contrôle d’Airbus. Même son de cloche pour les députés les Républicains qui, citant les affaires Alcatel et STX France, voulaient démontrer le passage de fleurons de l’industrie française aux mains des États-Unis. Les juridictions françaises n’acceptent pas le principe d’extraterritorialité des lois américaines mais les groupes semblent plus effrayés par la justice américaine que française. La crainte de l’implication du DoJ est telle, que certains font même le choix de se dénoncer devant d’autres autorités, comme le SFO au Royaume-Uni à travers le UK Bribey Act. Un choix qui permettrait d’éviter les procédures auprès du Department of justice. On préfère toujours payer chez soi qu’ailleurs…
La souveraineté des entreprises peut donc vaciller. Sur cette question, Il y a une prise de conscience en France de la société civile à travers les médias et les Think Tanks jusqu’aux politiques. Le constat est simple : la France doit pouvoir répondre aux FCPA pour, à défaut d’être aussi puissante, permettre à ses entreprises de se défendre dans leur pays d’origine.
Contre-publicité, casier médiatique, réputation
Les sanctions connexes peuvent elles aussi être désastreuses. Certains spécialistes laissent à penser qu’une entreprise ciblée par une procédure du DoJ peut en sortir plus forte, sans polluer sa réputation. À l’heure du monde 2.0 et de la dictature de la transparence, il est impensable que la réputation du groupe ne soit pas écorchée. L’écho dans la presse peut être déjà considéré comme une condamnation indirecte puisque le « casier médiatique » de la société sera entaché. On en revient au « Name and Shame ». Les conséquences peuvent être terribles : fuite des clients, de cerveau, annulation de contrats, appels au Boycott… Lorsque les autorités américaines s’appuient sur un lanceur d’alerte, l’impact à la réputation peut être d’autant plus puissant. La parole des employés est toujours très écoutée et leur témoignage d’autant plus médiatisé.
Dans la plupart des cas, c’est le Department of Justice qui est le maitre de la communication. Une fois un accord passé avec les autorités américaines, l’entreprise est interdite de commenter la décision, de s’en émanciper et encore moins de la critiquer. Poings liés donc mais pas sans solution. Il est essentiel de porter son message et « prêcher pour sa paroisse ». Une stratégie d’alliés, pour répandre son message à ses clients, ses partenaires importants au cours de rencontres en présentiel semble inévitable. Une nouvelle fois et comme dans la majorité des procédures de la sorte, le planning juridique et communicationnel se chevauche, avec des intérêts propres et parfois antagonistes. Dans la cinétique de la crise, le temps judiciaire est lent (très lent), celui de la communication beaucoup plus immédiat. La gestion de crise est alors réussie lorsque les deux s’accordent et trouvent un consensus.
Il est encore difficile de parler d’Arme d’Américanisation massive. La corrélation entre condamnations et prises de contrôle américaines reste difficile à prouver. La loi Sapin II vient tenter de combler l’écart de puissance avec les autorités américaines, même si, comme le disait Bruno Le Maire, « ce n’est pas suffisant ». Les sociétés françaises semblent tout de même se tourner vers la compliance et la mise en conformité d’abord parce que c’est un enjeu économique.
En revanche sont-elles réellement prêtes à vivre une telle procédure ? Réalisent-elles que de simples accusations les plongent dans une situation de crise ? Les conséquences financières, juridiques, les sanctions connexes (contre-publicité, casier médiatique…), les menaces sur le business et la fuite des clients sont des risques tels, qu’ils doivent être préparés. Et comme dans toute situation de crise, l’important, c’est d’avoir un coup d’avance.
Sources :
Henri Gibier, Karl De Meyer et Lucie Robequain, 6 scandales européens soulevés par les Américains, [en ligne]
Bruna Basini, Frédéric Perucci, « Le « cadre maudit d’Alstom », condamné à 30 mois de prise aux Etats-Unis », Europe1 [en ligne], 26 septembre 2017.
Philippe Coste, Julie Joly, Vincent Nouzille, Pierre-Alban Pillet, « La chute de la maison Andersen », L’Express [en ligne], 28 mars 2002.
Dominique Galloishttp, « Ted Maye, conseil d’Airbus : « Les avocats américains ne sont pas liés à leur gouvernement », Le Monde [en ligne], 1er janvier 2017.