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Leadership en temps de crise : l’expérience du colonel Guillaume de Sercey

Date 31 octobre 2025
Type Articles
Leadership en temps de crise : l’expérience du colonel Guillaume de Sercey

Chaque mois, nous partons à la rencontre de celles et ceux dont le parcours et l’expertise offrent un éclairage singulier sur la gestion de crise. Ce mois-ci, notre rencontre insolite nous mène à Guillaume de Sercey : colonel de l’armée française et ancien officier de la Légion Etrangère. Avec trente ans de carrière, dont treize passés dans des unités opérationnelles et quatre missions à l’étranger, il a commandé des hommes dans des situations extrêmes et appris à conjuguer exigence opérationnelle et humanité.

Guillaume de Sercey accompagne désormais des dirigeants et des managers dans leurs propres défis. Son expérience militaire nourrit une réflexion précieuse sur le leadership en période de crise.

Car dans ces moments où tout vacille, où l’incertitude gagne les esprits, les regards se tournent instinctivement vers le chef. Que faire ? Comment réagir ? Comment tenir ? Pour Guillaume de Sercey, le rôle du leader pendant une crise se résume en trois mots essentiels : dignité, rigueur et humanité.

« On attend du chef qu’il ait une certaine posture », explique-t-il. La dignité, c’est la retenue, la maîtrise de soi, même lorsque les émotions débordent. La rigueur, c’est l’exigence de clarté et de discipline, sans laquelle tout peut s’effondrer. L’humanité, enfin, c’est l’attention aux autres, l’écoute et le souci de ceux que l’on conduit.

Le chef dans la tempête : savoir, connaître, commander et aimer

Le colonel cite une définition transmise par l’un de ses généraux : « Le chef, c’est celui qui sait, celui qui connaît, qui commande et qui aime ».

  • Savoir : c’est avoir les bons réflexes, ne pas rester les bras ballants. Les subordonnés scrutent la réaction du leader et s’y ajustent. Donner les bons ordres est central pour garder la confiance.
  • Connaître : cela suppose une proximité en amont, bien avant la crise. « Il est trop tard pour devenir un chef qui connait ses équipes quand la crise est là », précise-t-il. Connaître, c’est avoir écouté et partagé aux côtés de ceux que l’on dirige, afin de savoir comment leur parler et quoi leur demander lorsque la crise arrive.
  • Commander : c’est faire preuve de courage. Et ce courage, rappelle Guillaume de Sercey en citant Napoléon, « est la seule vertu qu’on ne peut pas feindre ». On ignore toujours comment on réagira en période de crise, mais il existe des entraînements au courage : savoir dire les choses difficiles, en temps calme déjà, c’est s’y préparer.
  • Aimer : enfin, une dimension souvent négligée dans le monde de l’entreprise, mais essentielle. Quand tout vacille, l’affect compte. « Si à aucun moment il n’y a d’affect, alors autant être remplacé par une intelligence artificielle. Ce qui fait qu’on adhère à une personne, c’est l’estime et l’affection qu’on a pour elle », explique-t-il. Le maréchal de Marmont disait : « Le soldat français vaut dix fois son nombre sur le champ de bataille avec un chef pour lequel il a de l’estime et de l’affection et il est en dessous de tout avec un chef pour lequel il n’éprouve aucun de ces sentiments ».

Savoir prendre ses responsabilités en temps de crise

Au cours de sa carrière, Guillaume de Sercey a été confronté à des situations particulièrement difficiles. Il évoque notamment un épisode douloureux : lors d’un entraînement en montagne, une avalanche a coûté la vie à six soldats du régiment qu’il commandait. Rapidement, des tensions sont apparues, certains cherchant à désigner des responsables. Pour mettre un terme à ces divisions, il a réuni l’ensemble du régiment et a assumé publiquement la responsabilité de l’accident, rappelant qu’en tant que chef de corps, il avait signé l’ordre de l’activité. « Être homme, disait Saint-Exupéry, c’est précisément être responsable », rappelle-t-il. Ce choix a apaisé les polémiques et renforcé la cohésion du groupe.

Pour lui, cet épisode illustre un principe fondamental du leadership en crise : on ne peut pas se contenter des satisfactions liées au rôle de chef sans en assumer également les difficultés. Endosser ses responsabilités, même quand elles pèsent lourd, fait partie intégrante de la fonction.

Agir vite, mais avec discernement

En temps de crise, la vitesse d’action est cruciale. Mais agir vite ne signifie pas agir dans la précipitation. Comment trouver le bon équilibre ?

Guillaume de Sercey conseille de s’appuyer sur un cercle restreint de personnes de confiance : « Identifier un nombre limité de personnes, à qui on demande leur avis, avec lesquels on se concerte ». Cela peut prendre la forme d’un échange franc : « Je ne sais pas quoi faire, qu’est-ce que vous suggérez ? » ou bien « Voilà mon idée, mais qu’en dites-vous ? ».

Cette méthode a deux vertus : elle ouvre à l’intelligence collective et elle filtre les mauvaises intuitions.

Les clés de la communication de crise

Guillaume de Sercey donne trois règles simples :

  • Privilégier la communication en face-à-face : « Dès que c’est possible, il faut que les gens puissent vous voir, puissent ressentir vos émotions et votre force ».
  • Adopter des rituels verbaux : un tic de langage, une formule répétée, peut sembler anodin. Mais en crise, cela rassure et montre que le leader reste en place, en gardant ses habitudes.
  • Communiquer régulièrement, même pour répéter : la tentation est grande de penser que l’on a déjà tout dit. En réalité, il faut répéter, car les messages ne passent pas toujours du premier coup. Trouver le bon curseur est essentiel.

Anticiper ses propres angles morts

La figure de leader en temps de crise n’est pas toujours facile à tenir, d’où l’importance de préparer en amont. Son conseil aux dirigeants : identifier leurs angles morts personnels. « Si je sais que j’ai du mal à transmettre de l’énergie, je dois m’entourer de gens qui en débordent. » Le leadership de crise est toujours une affaire collective.

Et quand un chef n’assume pas son rôle ? Guillaume de Sercey suggère de désigner un représentant des collaborateurs, chargé de dire au leader : « Voilà ce dont nous avons besoin, et que vous ne nous donnez pas. » Beaucoup de tensions viennent simplement du manque de dialogue, ou de malentendus. La communication interne est clé dans ces moments difficiles.

Le RETEX : apprendre de chaque épreuve

Enfin, un principe cher au monde militaire pourrait inspirer davantage l’entreprise : le RETEX, retour d’expérience. « Conserver les comptes rendus, les mails, les notes, puis faire un bilan collectif. C’est essentiel. »

Cette pratique permet de transformer l’épreuve en apprentissage, et de préparer l’organisation pour les crises futures.

Les 4 leçons à retenir pour les dirigeants ?

  • Communiquer en face-à-face autant que possible
  • S’entourer en amont de personnes complémentaires
  • Répéter les messages clés, sans craindre la redondance
  • Donner des points de situation réguliers

E&HA
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