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IFRI : Comprendre le risque géopolitique pour les entreprises, avec Thomas Gomart

Date 30 mai 2025
Type Articles

Ce mois-ci, notre rencontre nous mène à Thomas Gomart, directeur de l’IFRI, et Siméo Pont, expert au sein du même institut. À la suite de leur publication « La fabrique du risque – Les entreprises face à la doxa géopolitique », ils partagent un constat sans détour : la géopolitique n’est plus un bruit de fond. Elle s’impose désormais comme un paramètre central de la stratégie d’entreprise, au même titre que la croissance ou la gestion des talents.

Face à une instabilité mondiale croissante, ils nous invitent à repenser en profondeur la manière dont les entreprises perçoivent – et surtout intègrent – le risque géopolitique.

1. Le contexte : vers une nouvelle grammaire géopolitique

Ils expliquent que depuis la publication en 2016 de « Le retour du risque géopolitique » par Thomas Gomart, la dynamique mondiale a profondément évolué. L’intensification des tensions au sein du triangle stratégique Russie–Chine–États-Unis bouleverse les repères hérités de la mondialisation heureuse.

Le monde de l’entreprise, longtemps convaincu que l’économie primerait toujours sur les logiques étatiques, doit désormais composer avec une réalité inversée : la géopolitique peut prendre le dessus sur l’économique.

Ce changement impose un véritable virage stratégique. Comme l’explique Siméo Pont : « Nous ne sommes plus en pilotage automatique. Il faut revenir à une conduite manuelle. »

Les entreprises doivent donc apprendre à lire les dynamiques géopolitiques comme elles scrutent les marchés : avec rigueur, méthode, et vigilance.

2. Les erreurs fréquentes des entreprises face au risque géopolitique

Malgré une prise de conscience croissante, les experts insistent sur le fait que plusieurs erreurs continuent de freiner l’intégration effective du risque géopolitique dans les stratégies d’entreprise :

  • Confondre risque pays et risque géopolitique : En effet, ils expliquent que le risque pays évalue principalement la solvabilité d’un État et la stabilité politique interne. Le risque géopolitique, lui, englobe les interactions systémiques entre États, les jeux de puissance et les tensions interétatiques. C’est une erreur de penser qu’un pays stable à l’intérieur est à l’abri des turbulences extérieures.
  • Croire que seules les grandes entreprises sont concernées : Start-ups, PME ou ETI sont aussi vulnérables. « Même une petite entreprise dont la chaîne d’approvisionnement dépend d’un acteur inséré dans une logique globale est exposée », rappelle l’expert.
  • Les scénarios rigides sont des pièges :Les auteurs de l’étude expliquent que la crise survient précisément lorsque les scénarios d’anticipation sont dépassés. Penser que l’on peut modéliser à l’avance tous les cas de figure est illusoire. Ils affirment qu’il faut faire vivre les scénarios, les ajuster continuellement en fonction de l’évolution du contexte international.

3. Recommandations : vers une culture de la vigilance stratégique

Alors, comment faire concrètement ? Gomart et Pont formulent plusieurs recommandations claires pour aider les entreprises à intégrer durablement la géopolitique dans leur gouvernance :

  • Incarner la vigilance au plus haut niveau : Le COMEX et les dirigeants doivent être formés, sensibilisés et moteurs de cette transformation. La géopolitique ne doit pas être cantonnée à un rapport annuel ou à une mission ponctuelle. Elle doit infuser chaque décision stratégique.
  • Adapter les analyses à la singularité de l’entreprise : Chaque organisation possède une géographie propre, une histoire, une sensibilité aux risques qui lui est spécifique. « Il n’existe pas de matrice unique » indique M. Pont. Il faut une lecture incarnée de la géopolitique, intégrée au profil de risque de chaque entreprise.
  • Croiser les sources : Les analyses gratuites et publiques (produites par des think tanks ou des cabinets) sont utiles, mais doivent être enrichies par des lectures académiques, historiques, et une compréhension fine des intentions des acteurs étatiques.
  • Faire évoluer en permanence les scénarios de crise : Plutôt que de planifier une fois par an des « pires scénarios », il est essentiel d’adopter une approche dynamique. Cela signifie confronter régulièrement ses hypothèses à l’évolution des rapports de force mondiaux.
  • Intégrer la géopolitique comme un levier de transformation, pas comme une contrainte : Ce n’est pas uniquement une gestion défensive. Comprendre les risques géopolitiques, c’est aussi anticiper des opportunités, repositionner ses marchés, réallouer ses investissements, et se préparer à jouer la bonne note dans une partition devenue chaotique.

À retenir :

« Nous ne sommes plus en pilotage automatique »

La géopolitique impose un retour à une lecture active du monde. Ne pas anticiper, c’est subir. La vigilance stratégique doit redevenir une fonction vitale de l’entreprise.

« La crise intervient précisément quand les scénarios d’anticipation sont dépassés »

Les plans figés ne protègent pas. Ce qui compte, c’est la capacité à ajuster ses scénarios en temps réel, à interroger ses hypothèses, et à se préparer à l’inattendu.

La géopolitique n’est pas une contrainte, c’est un levier de transformation

Comprendre les risques géopolitiques, c’est aussi anticiper des opportunités, repositionner ses marchés, réallouer ses investissements et se préparer à jouer la bonne note dans une partition devenue chaotique.

E&HA
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