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Longtemps perçu comme un sujet essentiellement médiatique, le greenwashing est en train de devenir l’un des principaux risques juridiques et réputationnels au niveau mondial. En quelques années, les États-Unis ont vu exploser les recours collectifs liés aux allégations environnementales, et l’Europe rattrape désormais son retard, portée par de nouvelles directives, des régulateurs plus vigilants et un public de mieux en mieux informé. Ce phénomène, qui dépasse largement la question d’une marque ou d’un secteur, redéfinit la manière dont les entreprises doivent concevoir leur communication “durable”.
Un phénomène né aux États-Unis, désormais global
Les class actions environnementales sont devenues une industrie juridique à part entière aux États-Unis. Plus de 2 000 procès climatiques sont en cours dans le monde, dont une proportion croissante concerne directement des accusations de greenwashing. Chaque message commercial est analysé et la moindre ambiguïté est repérée et relayée, créant un environnement où aucune allégation environnementale ne passe inaperçue.
Le greenwashing n’est plus un concept flou : la justice le considère désormais comme une forme précise et sanctionnable de publicité trompeuse. Et sa définition est large : une allégation environnementale peut être critiquée qu’elle figure dans une publicité, sur un packaging, dans un rapport ESG, sur les réseaux sociaux ou même dans un discours de dirigeant.
Les exemples récents sont révélateurs : qu’il s’agisse de Mercedes et son slogan « Nature or Nothing », d’H&M avec ses collections « conscious », ou encore de campagnes aériennes promettant une neutralité carbone trop ambitieuse, plusieurs grandes marques se sont retrouvées au cœur de controverses ou de contentieux pour des allégations jugées trompeuses.

En 2023, Danone a également été assigné en justice par plusieurs ONG au titre du devoir de vigilance, celles-ci estimant que son plan ne prenait pas suffisamment en compte les risques liés à l’usage du plastique dans ses activités et sa chaîne d’approvisionnement. Récemment, TotalEnergies a été condamné pour pratiques commerciales trompeuses à cause de certaines campagnes créant une impression excessive ou infondée sur l’impact réel des activités de l’entreprises.
Ces affaires, très diverses en apparence, illustrent pourtant un même phénomène : un message environnemental présenté comme anodin peut aujourd’hui déclencher un examen juridique et médiatique intense lorsque les engagements ne semblent pas alignés avec la réalité opérationnelle.
Un cadre légal qui se durcit partout
Aux États-Unis, le risque est tiré vers le haut par la facilité des class actions : elles sont rapides à initier, peu coûteuses pour les plaignants et potentiellement très onéreuses pour les entreprises. Une procédure peut se solder par plusieurs millions de dollars d’indemnités, mais l’essentiel se joue ailleurs, sur l’impact réputationnel, souvent bien plus lourd que la sanction financière elle-même.

En Europe, l’Union européenne a donné une impulsion décisive avec la directive de 2020 sur les actions représentatives, qui oblige désormais les États membres à offrir un cadre plus permissif et plus structuré pour les recours collectifs. Ce n’est plus une exception : agir en groupe devient la norme, y compris sur les promesses environnementales.
En France, la loi Climat et Résilience de 2021 a franchi un cap symbolique en intégrant explicitement le greenwashing dans les pratiques commerciales trompeuses, ouvrant la voie à des sanctions pénales et administratives. La réforme des actions de groupe, encore en discussion, pourrait amplifier cette dynamique en élargissant le nombre d’associations habilitées à saisir la justice, en introduisant des sanctions civiles pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires et en uniformisant les procédures.
Partout, les lignes bougent dans la même direction : l’étau juridique se resserre, y compris dans les pays historiquement hostiles aux class actions. Le greenwashing n’évolue plus dans un vide juridique ; il s’inscrit désormais dans un cadre global où les risques de contentieux augmentent mécaniquement.
L’effet domino : pourquoi il est si facile de se faire rattraper
Ce qui accélère aujourd’hui la montée du risque, ce n’est pas seulement le durcissement des lois : c’est l’écosystème complet de la surveillance citoyenne. Chaque allégation environnementale passe immédiatement dans un corridor d’examen où se croisent ONG capables de lancer des analyses en quelques heures, consommateurs, investisseurs focalisés sur les risques ESG, régulateurs plus proactifs que jamais, et médias ou réseaux sociaux qui amplifient la moindre incohérence avant même que la justice n’intervienne.
Dans cette configuration, il n’existe plus vraiment de zone grise. Le moindre décalage entre discours et réalité peut devenir viral en quelques heure, y compris lorsque l’entreprise n’avait aucune intention de tromper. C’est cet effet domino, rapide, public et souvent imprévisible, qui transforme aujourd’hui un simple message marketing en risque réputationnel mondial.
Le greenwashing n’est plus un faux pas marketing : c’est désormais un risque stratégique majeur, à l’intersection du droit, de la réputation et de la gouvernance. Dans un paysage où chaque affirmation environnementale peut être vérifiée, comparée, et contestée en temps réel, les entreprises entrent dans une ère où la transparence n’est plus une option mais un mécanisme de défense.